Après un parcours législatif agité, la très contestée loi Attal sur la justice des mineurs arrive à son point culminant. Soutenue par la majorité gouvernementale mais dénoncée par la gauche et les professionnels de la jeunesse, cette réforme cristallise les tensions autour de la place accordée à la répression dans le traitement des mineurs délinquants.
Ce lundi 19 mai, le Sénat s’apprête à entériner la loi portée par Gabriel Attal, dans un vote largement acquis à la majorité droite-centre qui domine la chambre haute. Une étape décisive pour un texte qui a connu de multiples obstacles depuis son dépôt, mais qui pourrait être freiné une dernière fois par un recours devant le Conseil constitutionnel, annoncé par la gauche.
Un texte né dans les cendres des émeutes de 2023
La genèse de cette réforme remonte aux violentes émeutes de l’été 2023, impliquant de nombreux adolescents. En réponse, Gabriel Attal promettait alors une justice plus rapide, plus ferme et plus responsabilisante, notamment envers les familles. Ce triptyque – autorité, responsabilité parentale, célérité des jugements – a guidé l’élaboration du texte, désormais sur le point d’être adopté, malgré des débats houleux.
Des mesures qui bouleversent les fondements de la justice des mineurs
La réforme propose la création d’une amende pour les parents absents aux convocations judiciaires et l’instauration d’une comparution immédiate dès 16 ans en cas de récidive. Mais c’est surtout l’inversion de « l’excuse de minorité » qui fait polémique : ce principe fondamental, qui permet de juger un mineur plus légèrement qu’un adulte, deviendra l’exception pour les délits passibles de cinq ans de prison, obligeant le juge à motiver expressément son application.
Une opposition farouche et une mobilisation professionnelle
L’ensemble des forces de gauche s’est mobilisé contre ce texte, qu’elles qualifient tour à tour de « populiste », « répressif » ou « dangereux ». La Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) a également élevé la voix, dénonçant un recul des principes éducatifs au profit d’une logique punitive. Des appels à manifester ont ponctué chaque étape du débat parlementaire, sans freiner l’avancée du projet.
Des dissensions jusque dans la majorité sénatoriale
Fait rare, même au sein du Sénat, des voix critiques se sont élevées. Francis Szpiner, rapporteur Les Républicains, a dénoncé un texte “inutile et inapplicable”, forgé selon lui sous le coup de l’émotion. Malgré cela, la mobilisation conjointe du gouvernement, de Gérald Darmanin et du groupe Renaissance a permis de conserver les dispositions clés du texte.
Un passage en force au goût amer pour la gauche
À l’Assemblée nationale, le texte avait été voté à une large majorité (341 voix pour, 187 contre). Mais la gauche n’a cessé de contester la méthode, les amendements supprimés en commission puis réintroduits en séance, et la précipitation dans l’examen. Ce lundi, elle entend désormais porter la bataille sur le terrain constitutionnel, espérant que le Conseil censure les mesures qu’elle juge contraires aux droits fondamentaux.
Un succès politique pour Gabriel Attal ?
Pour l’ex-Premier ministre, cette adoption marque un retour en lumière après plusieurs mois de discrétion, depuis la dissolution du gouvernement. Ce texte, qu’il a porté envers et contre tous, symbolise sa volonté de réaffirmer l’autorité de l’État, même si le prix politique reste élevé. L’enjeu est désormais d’éviter que cette loi ne devienne un nouveau symbole de fracture idéologique entre deux visions de la justice : éducative ou répressive.