Silencieuse mais redoutable, la bactérie Helicobacter pylori colonise l’estomac dès l’enfance et menace, à long terme, des millions de vies. Une étude récente alerte sur son lien direct avec le cancer gastrique, pourtant largement évitable grâce à un dépistage précoce et un traitement simple.
Présente chez près d’un tiers des Français, la bactérie Helicobacter pylori s’installe discrètement, souvent dès la petite enfance, et peut provoquer des dégâts majeurs si elle n’est pas traitée. Selon la Haute Autorité de santé (HAS), la contamination s’opère principalement par la salive, « durant les cinq premières années de vie ». Une fois installée dans l’estomac, elle peut provoquer une inflammation chronique de la muqueuse gastrique.
Cette inflammation peut évoluer vers des ulcères, voire un cancer. La dangerosité de la bactérie tient justement à sa capacité à rester asymptomatique pendant des années. Et pourtant, 90 % des cancers de l’estomac lui sont liés, même si seule une minorité des porteurs – environ 1 % – développera effectivement la maladie, en fonction de facteurs génétiques, alimentaires ou environnementaux.
Une bombe à retardement sanitaire mondiale
Une étude publiée le 7 juillet dans la revue Nature Medicine estime que 15,6 millions de personnes nées entre 2008 et 2017 pourraient développer un cancer gastrique au cours de leur vie à cause de cette infection. Les chiffres sont saisissants, surtout en Asie, qui concentrerait à elle seule deux tiers des futurs cas, devant les Amériques et l’Afrique.
En Europe, près de 900 800 cas seraient à prévoir dans cette même cohorte, un nombre inquiétant qui pose la question de la prévention et des politiques publiques. Le Dr Jin Young Park, co-auteur de l’étude, insiste sur l’urgence : « Les autorités sanitaires doivent faire de la prévention du cancer gastrique une priorité, et mettre en place des programmes de dépistage et de traitement de Helicobacter pylori. »
Un dépistage encore trop marginal, sauf en Asie
Alors que le Japon a mis en place une stratégie de dépistage ciblée dès l’âge de 40 ans, la France n’envisage toujours aucun programme systématique. Pourtant, le traitement est accessible : une combinaison d’antibiotiques et d’un inhibiteur de pompe à protons, prise sur une durée de deux semaines environ, permet d’éliminer la bactérie dans 80 à 90 % des cas.
Le coût de l’inaction pourrait s’avérer bien plus élevé que celui d’une campagne de prévention. Car dépister la bactérie permettrait d’éviter jusqu’à trois quarts des cancers gastriques à venir, selon les auteurs de l’étude. Or, en France, aucune stratégie nationale n’existe pour identifier les porteurs asymptomatiques, en particulier chez les enfants ou les jeunes adultes.
Une urgence de santé publique à ne plus ignorer
La prévalence importante de Helicobacter pylori, combinée à sa dangerosité et à la simplicité de son traitement, en fait une cible idéale pour une politique de santé publique proactive. L’inaction actuelle expose des millions de personnes à un risque évitable, avec à la clé des souffrances humaines et des coûts hospitaliers importants.
Le vieillissement des porteurs non traités transformera cette menace silencieuse en véritable bombe à retardement. Des campagnes ciblées, notamment dans les régions ou les milieux sociaux à risque, pourraient changer la donne.
Prévenir pour sauver des millions de vies
Face à l’ampleur du danger, le dépistage d’Helicobacter pylori apparaît comme un levier de santé publique incontournable. Accessible, efficace et peu coûteux à l’échelle individuelle, il pourrait éviter des milliers de cas de cancer chaque année. Encore faut-il que les pouvoirs publics prennent la mesure de l’enjeu.
Traiter cette bactérie aujourd’hui, c’est prévenir des cancers demain. Un choix de bon sens, fondé sur des preuves scientifiques solides – et une occasion de transformer radicalement notre rapport à la prévention en matière de santé digestive.