Avec les vagues de chaleur qui s’intensifient chaque été, le mal-logement ne se conjugue plus seulement au froid. Il se vit désormais en surchauffe, dans des appartements transformés en étuves. Une nouvelle proposition de loi entend reconnaître et combattre ce nouveau visage de la précarité énergétique : les “bouilloires thermiques”.
À Paris, Vahagn, étudiant dans un studio sous les toits, décrit son quotidien comme un calvaire. « J’ai parfois l’impression d’être dans un four », confie-t-il à la Fondation pour le logement des défavorisés, ex-Fondation Abbé Pierre. Dans son logement du XIXe arrondissement, les nuits d’été deviennent invivables, notamment à cause de sa mezzanine, où l’air s’accumule et devient irrespirable. Et son cas est loin d’être isolé : selon la dernière étude de la Fondation, 35 % des logements en France se transforment en bouilloires pendant l’été.
Jusqu’à présent, la précarité énergétique était presque exclusivement pensée en termes d’hiver : comment se chauffer. Mais avec la multiplication des canicules, elle s’étend désormais aux logements incapables de conserver la fraîcheur, exposant les occupants à des risques graves pour leur santé.
Une proposition de loi transpartisane pour lutter contre les “bouilloires thermiques”
C’est dans ce contexte que plusieurs députés, issus de différents bords politiques, porteront cet été une proposition de loi inédite. Parmi eux : Cyrielle Chatelain (Écologistes), Lionel Causse (Ensemble), Emmanuel Grégoire (Socialistes) et Aurélie Trouvé (LFI). Leur objectif : accélérer la rénovation énergétique des logements surchauffés, sur le modèle des actions menées contre les “passoires thermiques” en hiver (logements notés E, F ou G au DPE).
Le texte prévoit que les locataires puissent exiger de leur propriétaire l’installation de protections solaires extérieures (comme des volets) et de brasseurs d’air (type ventilateurs de plafond). Aujourd’hui, seuls 60 % des logements sont correctement équipés pour affronter la chaleur, selon la Fondation. Et dans les zones urbaines denses, ces protections font souvent défaut.
Vers une réforme du DPE pour mieux évaluer le confort d’été
Autre nouveauté du texte : la volonté de renforcer le “confort d’été” dans le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE), devenu un indicateur central du logement. L’idée est d’en rendre l’affichage obligatoire sur toutes les annonces immobilières, qu’il s’agisse de ventes ou de locations.
Mais cette notion de confort d’été reste encore floue et incomplète. La Fondation pour le logement pointe notamment le fait que l’exposition au soleil ou la configuration du bâtiment ne sont pas toujours prises en compte. La ministre du Logement, Valérie Létard, s’est engagée à faire évoluer cet indicateur dans les mois à venir pour mieux refléter la réalité des surchauffes estivales.
Intégrer la chaleur dans la définition de la précarité énergétique
Au-delà des équipements, la proposition de loi veut modifier en profondeur la manière dont on conçoit la précarité énergétique. Jusqu’ici, celle-ci concernait surtout l’incapacité à se chauffer l’hiver, souvent à cause de logements mal isolés ou de ressources financières insuffisantes.
Désormais, il s’agit de prendre aussi en compte les risques liés à la chaleur. Et les chiffres sont sans appel : en 2024, 3 700 personnes sont mortes à cause des fortes chaleurs, selon Santé Publique France. Le Médiateur de l’énergie rapporte que 42 % des Français affirment avoir eu “beaucoup trop chaud” chez eux cette même année. La chaleur est donc devenue un enjeu sanitaire, social et politique.
Vers une rénovation énergétique “globale”
Enfin, le texte propose d’inclure les travaux liés au confort d’été dans les rénovations dites “globales”. Cela signifie que pour améliorer significativement la performance d’un logement, les mesures visant à limiter la surchauffe devront être intégrées au même titre que l’isolation ou le changement de chaudière. Un changement majeur dans l’approche des politiques de rénovation, jusqu’ici centrées sur la saison froide.