Quitter sa vie du jour au lendemain, s’effacer sans bruit, disparaître pour se reconstruire ailleurs : derrière cette idée que beaucoup évoquent comme un fantasme se cache une réalité plus fréquente qu’on ne l’imagine.

Chaque année, des milliers d’adultes choisissent de rompre avec leur existence, laissant familles et autorités face au silence. Claquer la porte, tourner le dos à ses repères, tout abandonner pour recommencer ailleurs : certains passent du fantasme à l’acte sans prévenir. Leur départ soudain rappelle le scénario du film Les enfants vont bien de Nathan Ambriosini, sorti récemment, où la disparition volontaire devient un point de bascule. Chaque année, environ 5.000 adultes s’évaporent ainsi sans laisser de trace, un chiffre avancé par les associations.
Selon le sociologue David Le Breton, auteur de Disparaître de soi, une tentation contemporaine, ces fuites ont rarement un profil unique. Elles naissent souvent d’un sentiment de saturation, d’un quotidien familial ou professionnel devenu insupportable. Certains préparent leur départ avec minutie – économies, destination, logistique – notamment lorsqu’ils fuient des violences ou une menace judiciaire. Mais, dans bien des cas, la décision surgit brutalement, comme une rupture soudaine avec soi-même.
Les contours flous d’un chiffre difficile à établir

Le sociologue nuance toutefois ce total de 5.000 disparitions volontaires. Ce nombre englobe aussi des “suicides silencieux”, ces personnes qui veillent à ne laisser aucune trace de leur corps, ainsi que des victimes de crimes dont le cadavre est dissimulé. Le chiffre correspond en réalité à ceux qui « disparaissent administrativement », en cessant d’utiliser leurs papiers, leurs comptes ou leur identité.
Avant 2013, la police ouvrait systématiquement des dossiers de « recherche dans l’intérêt des familles ». Ces procédures – environ 5.000 chaque année – ont été supprimées par Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, au nom de la liberté fondamentale d’aller et venir. Disparaître en tant que majeur n’est pas un délit, sauf si la situation présente des éléments inquiétants. En 2023, on dénombrait 53.000 disparitions jugées préoccupantes, dont une forte majorité d’enfants. Le problème, rappelle-t-on, est que la notion même de disparition « inquiétante » reste floue et sans définition juridique stricte.

Qui décide qu’une disparition est inquiétante ?
Par principe, toute disparition concernant un mineur ou un adulte protégé est automatiquement considérée comme alarmante. Pour les autres, ce sont les forces de l’ordre qui évaluent les circonstances. Parfois, la situation ne laisse aucun doute : une personne suicidaire, menacée ou radicalisée déclenche immédiatement des recherches, explique une source policière. Il arrive également qu’un témoignage particulier mette la puce à l’oreille des enquêteurs.










