
Un Refus Inadmissible En Plein Été
La scène est glaçante. Ce mercredi 6 août à Hyères, Nina accompagne ses beaux-parents malentendants et leurs amis pour une soirée qui devait être paisible. Six personnes, une réservation confirmée au restaurant Viet wok, et Simba, leur chien-guide berger australien. Mais dès leur arrivée, l’ambiance bascule.
« En nous voyant arriver, le gérant nous a mis tout de suite à la porte », raconte Nina, encore choquée. Le restaurateur brandit son interdiction : les animaux ne sont pas autorisés. Point final. Les explications pleuvent. La famille rappelle la loi, évoque le handicap, tente de raisonner. Peine perdue.
Le couple de malentendants assiste, impuissant, à cette humiliation publique. Leurs amis tentent de plaider leur cause. Le restaurateur campe sur ses positions avec un aplomb qui glace le sang. Sa réponse résonne comme une gifle : « Il nous a dit préférer prendre une amende plutôt que de devoir fermer à cause d’un poil de chien dans un plat. »
La soirée entre amis vire au cauchemar discriminatoire. Six personnes se retrouvent sur le trottoir, interdites d’accès à un simple buffet asiatique. L’agent du commissariat d’Hyères qui recevra leur plainte sera « bouche-bée d’un tel comportement ». Une discrimination assumée, sans honte ni excuse.

La Justification Choquante Du Restaurateur
Cette absence de remords se confirme quand Anphuc Tran, le responsable du Viet wok, prend la parole. Loin de présenter des excuses, l’homme assume pleinement sa décision. Sa justification dépasse l’entendement.
« Les clients passent devant le buffet pour se servir alors, je ne peux pas prendre le risque de voir des poils de chiens voler au-dessus des plats », déclare-t-il sans sourciller. L’argument semble tout droit sorti d’une autre époque. Mais le restaurateur ne s’arrête pas là.
Sa suggestion suivante atteint des sommets d’indécence : « En plus, ils étaient six, alors je ne vois pas en quoi leur chien était indispensable à ce moment-là aux personnes sourdes. Elles auraient pu le laisser dans la voiture pour dîner. »
Laisser un chien-guide dans une voiture. En plein mois d’août. Sur la Côte d’Azur. L’absurdité de la proposition révèle une méconnaissance totale du rôle vital de ces animaux d’assistance. Anphuc Tran traite Simba comme un simple animal de compagnie qu’on abandonne le temps d’un repas.
Le restaurateur déplore certes la mauvaise image qui frappe désormais son établissement. Mais il maintient sa position, imperméable aux reproches. Cette obstination face à la loi et au bon sens transforme un simple malentendu en scandale assumé.

L’Indispensable Compagnon De Vie
Cette méconnaissance révèle un gouffre béant. Claire Bire, directrice technique de l’association Les Chiens du silence, remet les pendules à l’heure. « Il faut comprendre que si ces personnes ont un chien, ce n’est pas par plaisir, mais par besoin. »
Simba, le berger australien du couple, n’est pas un simple animal domestique. C’est un garde du corps à quatre pattes, entraîné spécifiquement pour compenser leur handicap auditif. Claire Bire, qui a formé l’animal, détaille son rôle crucial.
« Il peut par exemple les prévenir s’il y a une alarme, un livreur qui sonne ou un danger particulier à éviter dans la rue », explique-t-elle. Chaque jour, Simba sauve potentiellement la vie de ses maîtres. Une sirène d’ambulance qu’ils n’entendent pas, un véhicule qui recule, une urgence domestique – autant de situations critiques où l’animal devient leurs oreilles.
L’abandonner dans une voiture revient à priver deux personnes de leur système d’alerte vital. C’est comme demander à quelqu’un de retirer ses lunettes avant d’entrer au restaurant. La suggestion du restaurateur démontre une ignorance crasse de la réalité du handicap auditif.
Simba n’accompagne pas ce couple par fantaisie. Il les protège, les guide, les rassure. Chaque seconde de leur vie commune renforce cette évidence : séparer l’animal de ses maîtres équivaut à les exposer au danger.

Un Fléau Qui Persiste Malgré La Loi
Pourtant, cette exposition au danger se répète partout en France. L’incident d’Hyères n’est qu’une goutte d’eau dans un océan de discrimination. Les chiffres de l’Association Nationale des Maîtres de chiens guides d’aveugles glacent le sang : 66 cas de refus d’accès officiellement recensés en 2019 seulement.
Plus alarmant encore, un établissement sur quatre refuse encore l’entrée aux personnes déficientes visuelles malgré leurs chiens-guides. Restaurants, magasins, transports – aucun secteur n’échappe à cette discrimination rampante. Une méconnaissance crasse de la loi qui perdure quinze ans après sa promulgation.
Car la loi de 2005 est pourtant cristalline dans ses exigences. Refuser l’accès à une personne handicapée accompagnée de son chien-guide coûte entre 150 et 450 euros d’amende. Le statut légal de ces animaux d’assistance ne souffre aucune ambiguïté.
Claire Bire enfonce le clou avec une comparaison imparable : « C’est comme interdire l’accès à un fauteuil roulant, sous prétexte que les roues vont salir le sol. » Cette analogie révèle toute l’absurdité des refus. Personne n’oserait confisquer les béquilles d’un blessé à l’entrée d’un restaurant.
Le restaurateur d’Hyères a choisi l’amende plutôt que l’humanité. Un calcul cynique qui révèle l’ampleur du chemin restant à parcourir pour l’égalité des droits.