Le calme des campagnes françaises n’est parfois qu’une illusion. Ce mardi 14 octobre, le tribunal d’Amiens s’est penché sur un conflit opposant un couple d’habitants du Vimeu à leur voisin agriculteur. En cause : des nuisances sonores et olfactives répétées, qui auraient perturbé la vie du couple pendant de longs mois.
Tout commence à l’automne 2024. Un exploitant agricole de la Somme décide de nourrir ses bêtes dès six heures du matin, trois jours de suite, afin de pouvoir consacrer le reste de ses journées à la récolte des pommes de terre et des betteraves. Un emploi du temps normal pour beaucoup d’agriculteurs, mais vécu comme un véritable cauchemar pour ses voisins directs. Ces derniers affirment que les nuisances ont duré bien plus longtemps que trois jours : selon Marie-Christine, co-plaignante, « les allées et venues du tracteur ont duré près d’un an, parfois jusqu’à deux ou trois heures du matin ».
Entre odeurs, bruits et stress quotidien
Dans son témoignage, la plaignante décrit des nuisances multiples : le vrombissement du tracteur au petit matin, le moteur laissé allumé de longues minutes et des odeurs persistantes d’élevage. À cela s’ajoute un épisode inquiétant : l’intrusion d’un taurillon dans son jardin, qui l’a poussée à alerter les autorités. « Je n’aurais jamais porté plainte pour un coq qui chante, mais là, c’était devenu invivable », assure-t-elle. Pour elle, la situation dépasse la simple tolérance liée à la vie à la campagne.
Le droit du sol rural contre le droit au repos
Face à ces accusations, l’agriculteur se défend en invoquant la loi. Soutenu par la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA), il explique avoir agi dans le cadre de ses activités normales. Son avocat rappelle l’existence de la loi Maurice, promulguée en 2021, qui protège le “patrimoine sensoriel des campagnes françaises” — bruits, odeurs et sons inclus. Une autre loi, adoptée en avril 2024, renforce encore cette protection pour les exploitations préexistantes, afin de limiter les plaintes des néo-ruraux s’installant à proximité des fermes.
Mais pour Marie-Christine, le contexte n’est plus le même : « Quand j’ai acheté la maison en 2003, il y avait une petite étable de 20 vaches. Aujourd’hui, l’exploitation a triplé de taille. » Autrement dit, ce n’est pas elle qui s’est rapprochée de la ferme, mais la ferme qui s’est agrandie à ses dépens.
Devant le palais de justice d’Amiens, la FDSEA a organisé un rassemblement en soutien à l’agriculteur, dénonçant une “criminalisation du travail paysan”. Le président du syndicat a parlé d’“une grande première dans la Somme”, voyant dans ce procès le reflet d’une fracture croissante entre monde rural et citadins installés à la campagne.