Figure incontournable de la télévision française, Thierry Ardisson a toujours cultivé l’art de déranger.
S’il a marqué des générations avec ses émissions emblématiques et son sens aigu de la formule, son parcours est aussi jalonné de polémiques, de clashs médiatiques et de ressentiments durables. Retour sur un homme aussi admiré que décrié. De Paris Dernière à Salut les Terriens, en passant par Tout le monde en parle, Thierry Ardisson a façonné une télévision audacieuse, souvent provocante, toujours singulière. Publicitaire de formation, il s’est imposé dès les années 90 comme un animateur à part, maniant l’ironie, l’esthétique sombre et le montage incisif avec une précision redoutable.
Son ton, sa gestuelle et sa capacité à susciter le malaise ont rapidement fait école. Il a imposé un style unique, celui de l’interview frontal, déstabilisante, parfois dérangeante. Et derrière le maquillage noir, l’homme a su captiver autant qu’il a divisé.
La provocation comme marque de fabrique… et comme arme
Thierry Ardisson aimait aller là où les autres reculaient. En plateau, ses questions intrusives – parfois à la limite de l’indécence – faisaient souvent vaciller ses invités. Accompagné de son complice Laurent Baffie, il poussait les limites, déclenchant des fous rires autant que des tempêtes.
Mais cette audace n’était pas sans conséquences. En 2002, l’actrice Milla Jovovich avait quitté en colère le plateau de Tout le monde en parle après une question jugée déplacée sur son père incarcéré. « Oui, j’ai perdu mon père pendant huit ans », avait-elle lancé, visiblement bouleversée, avant de jeter son verre d’eau.
Cet incident est resté comme l’un des plus marquants de la carrière d’Ardisson, symbole de son refus du politiquement correct et de son goût pour la déstabilisation calculée.
Laurent Gerra, l’un de ses détracteurs les plus féroces
Parmi ceux qui ont croisé le fer avec Thierry Ardisson, l’humoriste et imitateur Laurent Gerra s’est imposé comme l’un des plus virulents. Depuis un passage houleux dans Salut les Terriens en 2010, la brouille entre les deux hommes n’a jamais été refermée.
Gerra a accusé Ardisson d’avoir manipulé son interview au montage, dénonçant des méthodes « malhonnêtes » et un traitement « méchant » de ses propos. L’animateur n’a pas tardé à riposter sur Europe 1, le traitant de « fasciste » et concluant avec une attaque personnelle : « Ce pauvre Laurent Gerra ferait mieux de s’occuper de son cul. »
Une guerre de mots aux allures de vendetta, ponctuée d’échanges particulièrement acides. « Je n’ai pas envie de répondre à cette pelle à merde », rétorquait Gerra dans France Soir, ajoutant même : « C’est remuer la brosse dans la cuvette. »
Une animosité persistante jusqu’à la fin
Le conflit ne s’est jamais éteint avec le temps. En 2018, dans une interview au Figaro Magazine, Laurent Gerra en remettait une couche : « Ardisson, c’est de la provocation à deux balles. » Et de tacler avec une ironie cruelle : « Pour moi, la vraie vulgarité, c’est Ardisson qui fait ‘Han… Han… Han…’ en se retroussant les babines. »
Entre les deux hommes, la rancune était tenace, viscérale. Chacun ayant campé sur ses positions, le dialogue n’a jamais été renoué. Et même après la disparition de l’homme en noir en juillet 2025, la tension reste palpable.
Une légende clivante, mais incontournable
Thierry Ardisson laisse derrière lui une empreinte forte, faite de contradictions. Génie du montage pour les uns, provocateur compulsif pour les autres, il aura su faire de la télévision un théâtre d’impertinence et de mise en danger contrôlée. Ses émissions ont marqué l’histoire, tout comme ses clashs et ses ennemis assumés. En refusant de lisser son image, il a choisi la fidélité à son personnage, quitte à s’attirer critiques et animosités. Ce choix, audacieux et risqué, a contribué à forger sa légende. Et si l’homme ne faisait pas l’unanimité, il a toujours su capter l’attention – et c’est peut-être là, sa plus grande force.