La seconde main devait incarner l’esprit de solidarité et de consommation responsable. Mais le succès de plateformes comme Vinted a aussi donné naissance à des pratiques qui divisent. L’histoire de Keran, jeune revendeur suivi par Sept à Huit, relance la question : où s’arrête l’économie circulaire, où commence la spéculation ?
À 20 ans, Keran revendique près de 10 000 euros de revenus mensuels grâce à ses trouvailles revendues sur Vinted. Brocantes, friperies, braderies géantes : il écume les lieux à la recherche de pièces qu’il négocie au plus bas pour les stocker chez ses parents avant de les revendre en ligne. Une activité qui l’a conduit à abandonner ses études de droit. Ce n’est plus une passion, mais un métier.
Une séquence qui choque : la revente de vêtements caritatifs
Le reportage diffusé le 21 septembre a mis le feu aux poudres. Dans une scène devenue virale, Keran négocie des jeans et un manteau auprès d’une bénévole, alors que les ventes étaient destinées à financer des actions solidaires. Face à l’appel de la jeune femme, il tranche : « C’est un effort, à 5 euros pièce ! » La scène, jugée froide et cynique, a déclenché une vague de critiques en ligne.
Les réseaux sociaux s’enflamment
Très vite, les réactions outrées ont envahi X (ex-Twitter). « Il est né avant la honte », « La grosse arnaque », « Honte de rien » : les commentaires sont cinglants. Pour de nombreux internautes, cette démarche détourne l’esprit même de la seconde main, censée favoriser l’accès à des vêtements abordables et prolonger leur durée de vie. Ici, la logique financière semble prendre le pas sur la solidarité.
Une pratique qui soulève un malaise éthique
Le cas de Keran n’est pas isolé. De plus en plus de jeunes utilisent Vinted comme source principale de revenus, transformant la plateforme en marché parallèle où les prix flambent. Les associations, elles, voient une partie des vêtements donnés ou vendus à bas prix leur échapper au profit de revendeurs qui en tirent de fortes marges. La frontière entre opportunité économique et exploitation d’un système solidaire devient floue.
Vers un encadrement plus strict ?
La polémique ravive les appels à une régulation. Certains réclament que les ventes caritatives soient mieux protégées contre les revendeurs, ou que Vinted impose plus de transparence aux vendeurs professionnels qui se cachent derrière des profils de particuliers. D’autres, au contraire, estiment qu’il s’agit simplement d’une adaptation aux réalités économiques : dans un contexte difficile, ces jeunes trouvent un moyen de gagner leur vie.
Une économie circulaire en quête de sens
Au final, l’affaire met en lumière les paradoxes de la seconde main. Entre démarche écologique, nécessité économique et tentation de la spéculation, le modèle qui avait séduit par sa simplicité se complexifie. La question demeure : faut-il encadrer plus strictement cette nouvelle économie, ou accepter que la solidarité et le commerce coexistent au sein du même marché ?