À peine installé à Matignon, Sébastien Lecornu doit déjà composer avec un climat de défiance. Son silence sur des dossiers brûlants comme la réforme des retraites ou la fiscalité alimente critiques et soupçons, tandis que l’opinion publique attend des réponses claires à des inquiétudes grandissantes.
Comme ses prédécesseurs à Matignon, Sébastien Lecornu se heurte au dossier explosif de la réforme des retraites, véritable point de crispation sociale depuis le début du second quinquennat d’Emmanuel Macron. L’âge légal repoussé à 64 ans, combiné à la crainte d’une diminution des pensions minimales, nourrit la colère des Français les plus modestes. Pour beaucoup de retraités et de futurs retraités, cette réforme symbolise la perte d’un horizon de sérénité en fin de carrière.
Le malaise des classes populaires et des séniors
Pour les détracteurs du Premier ministre, ce mutisme est perçu comme un « crachat à la figure » des Français, selon les termes rapportés par La Dépêche. Les séniors, déjà fragilisés par l’inflation et la stagnation du pouvoir d’achat, voyaient dans cette réforme un espoir de réajustement. Au lieu de cela, la réforme renforce l’idée d’une précarisation programmée. Comme le souligne le politologue Frédéric Dabi, Lecornu a certes « fait taire un bruit de fond », mais au prix d’un silence jugé assourdissant par ses opposants.
Une équation fiscale explosive : la taxe Zucman
À cette tension sociale s’ajoute la question de la dette publique et des recettes fiscales. Le gouvernement a promis de ne pas augmenter les impôts, mais la proposition d’une taxe Zucman sur les ultra-riches a déclenché une levée de boucliers. Pour l’opposition de gauche, il s’agit d’un levier de justice sociale ; pour la droite et les milieux économiques, d’un risque de fuite des capitaux. Lecornu se retrouve donc pris en étau entre deux camps irréconciliables, incapable pour l’instant de trancher.
Une stratégie du silence critiquée
Selon ses proches, Sébastien Lecornu adopte une stratégie pragmatique et patiente : laisser retomber la colère avant de proposer des compromis ciblés. Ses soutiens le présentent comme un « préfigurateur », bâtissant lentement les accords nécessaires, quitte à avancer par « petits bouts » pour dénouer les points de tension. Mais pour l’opposition, cette méthode s’apparente à de l’immobilisme. « Tout le monde est très remonté contre Lecornu parce que, pour l’instant, il ne nous a rien dit », dénonce un député socialiste, quand le RN prévient qu’il faudra des réponses nettes dès la rentrée parlementaire du 1er octobre.
Un avenir politique incertain
En choisissant la prudence et le mutisme, Sébastien Lecornu prend le risque de laisser s’installer une défiance durable. Dans un contexte où chaque Premier ministre semble sacrifié sur l’autel de la réforme des retraites, son mandat démarre sous haute tension. La véritable épreuve viendra avec le débat budgétaire et les arbitrages fiscaux, qui diront si son silence était une stratégie payante ou le signe d’une impuissance à gouverner.












