En quête d’un nouvel élan politique, Emmanuel Macron a choisi de s’attaquer à un défi majeur de son temps : les dérives du numérique et leur influence sur la démocratie.

Ce mardi, le président a réuni à l’Élysée près de 200 experts pour une vaste réflexion sur les menaces que représentent Internet, les réseaux sociaux et les algorithmes. Face à un parterre de chercheurs, entrepreneurs, élus et acteurs associatifs, Emmanuel Macron a lancé un appel à la mobilisation : « J’ai besoin de vous. Je vais me démultiplier aussi. »
Le chef de l’État souhaite créer une plateforme de travail commune afin de proposer, d’ici la fin de l’année, des mesures concrètes contre la désinformation, les manipulations et la polarisation sociale amplifiées par les réseaux. « Il faut lancer le travail de résistance, créer une petite plateforme d’action, bâtir un projet commun », a-t-il déclaré, insistant sur la nécessité d’un effort collectif dépassant le cadre législatif.
L’ambition présidentielle : rétablir des garde-fous démocratiques à l’ère des algorithmes, dans un monde où les technologies façonnent désormais l’opinion publique et la perception du réel.
Un débat qui prend des airs de Conseil national de la Refondation

Durant plus de deux heures, les échanges ont mêlé analyses, témoignages et propositions dans une atmosphère proche de celle du Conseil national de la Refondation (CNR), lancé en 2022 pour redynamiser le débat démocratique.
Au cœur des discussions : l’impact des écrans sur la santé mentale des enfants, un thème que le président évoque régulièrement depuis plusieurs mois. Mais surtout, le rôle grandissant des algorithmes dans la diffusion des contenus et leur influence sur les comportements politiques.
Le président, resté discret depuis la dissolution manquée de 2024, semble vouloir faire de la régulation du numérique son nouveau chantier de fin de mandat, avant les municipales de 2026 et la présidentielle de 2027.
Les algorithmes, un « quatrième pouvoir » sans contrepoids
Pour Hugo Micheron, chercheur spécialiste des dynamiques d’influence en ligne, les algorithmes sont devenus un nouveau pouvoir, au même titre que l’exécutif, le législatif ou le judiciaire, mais sans véritable contrepoids démocratique.
« Ce qui se joue avec les algorithmes, c’est l’émergence d’un nouveau pouvoir. Il faut créer des contre-algorithmes de supervision », a-t-il expliqué.
L’historien David Colon, expert en manipulation de masse, a renchéri : « Le marché des idées est aujourd’hui entre les mains d’un petit nombre d’entreprises américaines, chinoises et russes, qui font passer leurs intérêts avant toute considération démocratique. »
Selon lui, ces mécanismes opaques permettent la propagation de fausses informations, souvent orchestrées par des bots ou des trolls capables de fausser la perception des utilisateurs.

Vers des réseaux sociaux d’intérêt public ?
Parmi les propositions les plus marquantes, la création de réseaux sociaux d’intérêt public a été évoquée, avec des algorithmes transparents et un modèle économique non fondé sur la publicité.
Axel Dauchez, fondateur de Make.org, a suggéré de mettre en place des “périodes de réserve” sur les réseaux sociaux avant les élections, à l’image de celles imposées aux médias traditionnels.
Une idée accueillie avec intérêt par le chef de l’État, qui y voit une piste pour préserver la sérénité du débat public.
« Retrouver notre indépendance émotionnelle et cognitive »
En conclusion, Emmanuel Macron a mis en garde contre la perte de discernement collective face à l’instantanéité numérique. « Nous sommes en train de perdre notre indépendance émotionnelle et cognitive », a-t-il affirmé, appelant à une réflexion commune sur la façon dont la société peut reprendre le contrôle de son attention, de ses émotions et de ses opinions.










