Le 12 octobre 2025, la nomination de Vincent Jeanbrun au ministère de la Ville et du Logement a créé la surprise et déclenché une vive polémique. Alors qu’une enquête préliminaire pour prise illégale d’intérêts et concussion est toujours en cours, ce choix du gouvernement Lecornu II interroge sur la cohérence et l’exemplarité du pouvoir exécutif.
L’affaire trouve son origine à l’été 2024. L’association Anticor dépose un signalement auprès du parquet de Créteil, soupçonnant Vincent Jeanbrun, alors député Les Républicains et ex-maire de L’Haÿ-les-Roses, d’avoir attribué deux logements municipaux à des collaborateurs proches. Ces biens, situés à Chevilly-Larue et appartenant au syndicat intercommunal des cimetières qu’il présidait entre 2014 et 2020, auraient été loués à un tarif largement sous-évalué : 700 euros mensuels pour des appartements de 150 m², soit environ cinq fois moins que le prix du marché local.
Selon Anticor, les factures d’électricité, évaluées à 45 000 euros, auraient également été prises en charge par la mairie, aggravant les soupçons de détournement de fonds publics. Le parquet de Créteil confirme l’ouverture d’une enquête pour des faits susceptibles de constituer plusieurs infractions : prise illégale d’intérêts, recel, concussion et soustraction de biens publics. L’enquête, confiée à la Brigade de répression de la délinquance économique (BRDE), est toujours en cours à la date de sa nomination.
Vincent Jeanbrun conteste toute irrégularité
Face à ces accusations, le député assure avoir agi “dans la légalité et la bonne foi”. Il affirme que l’attribution des logements a été réalisée “dans le respect des procédures” et nie tout favoritisme. Ses proches évoquent une cabale politique visant à ternir son image, alors que sa carrière nationale prenait de l’ampleur. Pour l’heure, aucune mise en examen n’a été prononcée, et aucun juge d’instruction n’a encore été désigné. Le ministère public, prudent, ne confirme ni clôture du dossier ni poursuites.
Une nomination controversée au sein du gouvernement Lecornu II
C’est dans ce contexte judiciaire encore flou que Sébastien Lecornu a choisi de confier à Vincent Jeanbrun le ministère de la Ville et du Logement, en remplacement d’Éric Woerth. Officiellement, le gouvernement justifie ce choix par la “volonté de s’appuyer sur des élus de terrain expérimentés”. Mais cette nomination, survenue le 12 octobre 2025, a immédiatement suscité des critiques, y compris dans les rangs de la majorité. Le paradoxe saute aux yeux : le nouveau ministre se retrouve à la tête d’un portefeuille chargé de la régulation de l’habitat, du logement social et des politiques urbaines — exactement le domaine au cœur de l’enquête le visant.
Un pari politique à haut risque
L’annonce a provoqué une onde de choc jusque dans les couloirs des Républicains, dont Vincent Jeanbrun a été exclu dans la foulée pour avoir rejoint un gouvernement soutenu par Emmanuel Macron. Pour ses détracteurs, sa nomination symbolise une dérive du pouvoir qui privilégie la fidélité politique à l’exemplarité républicaine. À l’inverse, ses défenseurs invoquent le principe de présomption d’innocence, rappelant qu’aucune charge n’a encore été retenue contre lui.
Cette affaire illustre cependant la fragilité du discours gouvernemental sur la probité, dans un contexte où la confiance des citoyens envers leurs représentants reste ébranlée. Nommer un ministre du Logement visé par une enquête sur des logements sociaux relève d’un équilibre précaire, entre pragmatisme politique et exigence morale.