Face à un contexte géopolitique explosif, l’État français lance ce mardi 14 octobre 2025 un nouveau livret d’épargne inédit : le livret « Défense ». Objectif affiché : mobiliser l’épargne nationale pour soutenir la modernisation de l’armée française et stimuler l’industrie de la défense. Mais que rapporte vraiment ce placement aux épargnants ?
Le lancement de ce livret d’épargne consacré à la défense marque un tournant stratégique. Dans un climat international marqué par l’incertitude et le retrait progressif des États-Unis du théâtre européen, la France cherche à renforcer son autonomie militaire. Emmanuel Macron, de plus en plus perçu comme le porte-voix d’une Europe de la défense, souhaite mobiliser la puissance financière des ménages français. En associant épargne citoyenne et effort de guerre économique, le gouvernement mise sur un patriotisme d’investissement inédit.
Pourquoi relancer un financement participatif de l’armée ?
Depuis les années 1990, le budget français de la défense a chuté d’environ 20 %, tandis que l’épargne des ménages atteignait des niveaux records. La logique du nouveau livret est donc claire : faire fructifier une partie de cette épargne dormante au profit d’un secteur stratégique. Selon Philippe Crevel, président du Cercle de l’épargne, il s’agit d’un placement à risque modéré : « L’industrie de la défense bénéficie de commandes publiques et les États paient toujours leurs factures. De plus, ce marché est en expansion. »
Un rendement prometteur, mais un capital bloqué
Le livret “Défense” se distingue des produits traditionnels comme le livret A par son absence de garantie publique. Les fonds investis seront exposés à la performance des entreprises du secteur militaire. Néanmoins, les premiers chiffres évoqués laissent entrevoir une rémunération attractive : jusqu’à 5 % sur cinq à dix ans, selon les projections de Philippe Crevel. Ce taux, supérieur à la moyenne des produits d’épargne sécurisés, compense une contrainte de taille : le capital sera bloqué pendant cinq ans, afin de permettre aux entreprises concernées de consolider leurs investissements et d’assurer la stabilité du fonds.
Une cible claire : l’industrie de la défense française
Ce nouveau dispositif a pour ambition de réunir près de 450 millions d’euros, sur un besoin global estimé à 5 milliards pour renforcer les capacités de production nationale. L’argent récolté ne profitera pas uniquement aux géants comme Thalès ou Dassault, déjà florissants en Bourse, mais également aux PME et entreprises intermédiaires qui composent l’écosystème militaire français. Comme le souligne Céline Boutbien, cogérante du cabinet Ascalon Finances : « L’objectif est d’irriguer toute la chaîne industrielle, des sous-traitants aux grands groupes, pour moderniser durablement la base de défense. »
Pour de nombreux économistes, ce livret pourrait devenir un outil de financement civique, combinant sécurité financière et engagement national. Si les modalités exactes restent à préciser, le principe séduit déjà certains épargnants attachés à l’idée de soutenir la souveraineté française. Mais il soulève aussi des questions éthiques : faut-il investir dans un secteur aussi sensible que l’armement ? Le débat ne fait que commencer.