Jordan Bardella ne se contente plus d’occuper la scène politique : il la façonne. À travers un discours plus tranché et une stratégie médiatique savamment calibrée, le président du Rassemblement National redessine les contours de la droite française, tout en consolidant sa stature de successeur désigné de Marine Le Pen.
Loin des clichés d’un été oisif, Jordan Bardella a transformé ses vacances en véritable séquence politique. Entre la finalisation d’un documentaire tourné par Guillaume Genton et la rédaction d’un second ouvrage, le président du RN a multiplié les signaux d’activité. À Ramatuelle, entouré de proches comme le député Franck Giletti, il a mêlé stratégie, introspection et mise en scène.
Ce documentaire intitulé Un an avec Jordan Bardella, initialement prévu sur C8 avant la fermeture de la chaîne, retrace son ascension et son quotidien politique. Parallèlement, son nouveau livre, attendu le 29 octobre, s’annonce comme un hymne à la “France qui travaille”. « Ce n’est pas mon journal intime, mais celui des Français », confie-t-il, en promettant un récit sur “les colères méprisées et l’espérance persistante”.
En partageant sur Instagram des clichés de son « repos studieux » dans une villa méditerranéenne, Bardella orchestre un équilibre entre image d’homme moderne, connecté et figure politique sérieuse, cultivant ainsi une proximité symbolique avec l’électorat populaire et patriote.
Un virage idéologique assumé : la fin du “ni droite ni gauche”
Mais au-delà de l’image, le fond du discours de Jordan Bardella évolue profondément. Invité sur le plateau de 100% Politique sur CNEWS, il a franchi un cap rhétorique : « Je ne laisserai jamais mon pays dans les mains de la gauche et encore moins de l’extrême gauche. »
Cette phrase marque un tournant. L’ancien dauphin de Marine Le Pen abandonne la posture transpartisane du “ni droite ni gauche” pour assumer un ancrage clair à droite, voire à droite dure. Cette stratégie vise à récupérer les électeurs orphelins des Républicains et à crédibiliser le RN comme force de gouvernement, non plus comme mouvement protestataire.
Ses attaques répétées contre le “Nouveau Front populaire”, qualifié d’“assurance-vie du macronisme”, traduisent une volonté d’opposer deux blocs irréconciliables : d’un côté, les “patriotes” incarnant l’ordre et la souveraineté ; de l’autre, une gauche qu’il dépeint comme “sectaire, totalitaire et anti-démocratique”.
Ce glissement stratégique révèle aussi la volonté du jeune dirigeant de construire une union des droites, là où Marine Le Pen avait choisi de conserver une ligne populiste plus transversale. En s’inscrivant dans une dynamique de clivage assumé, Bardella se positionne comme le rempart idéologique d’une droite en quête de leadership.
Une machine médiatique parfaitement huilée
L’efficacité de cette stratégie repose sur une maîtrise totale des codes médiatiques et numériques. Ses apparitions sur CNEWS génèrent des records d’audience — plus de 500 000 téléspectateurs sur certains plateaux. Sur les réseaux sociaux, ses vidéos atteignent des millions de vues, notamment sur TikTok, où il utilise sarcasme et ironie pour dédiaboliser son discours.
Cette omniprésence n’a rien d’improvisé : elle s’inscrit dans une “campagne permanente” jusqu’en 2027, pensée avec Marine Le Pen pour préparer l’après-Macron. Selon plusieurs analystes, Bardella incarne “le visage souriant de la radicalité”, un communicant capable de séduire les jeunes autant que les électeurs conservateurs.
Là où d’autres politiques multiplient les maladresses médiatiques, lui orchestre chaque séquence avec précision, de ses interviews feutrées à ses stories Instagram calculées. Sa parole devient événement, chaque phrase étant pensée comme un marqueur idéologique et un test électoral grandeur nature.
Un duel en gestation pour 2027
Les derniers sondages confirment cette montée en puissance : Jordan Bardella serait désormais à égalité avec Édouard Philippe dans les intentions de vote pour la présidentielle de 2027. Ce scénario alimente l’idée d’un face-à-face inévitable entre le Rassemblement National et le bloc central, dans un paysage politique désormais polarisé.