Dans un climat politique en recomposition, la rencontre entre Jordan Bardella et Nicolas Sarkozy fait l’effet d’un coup de tonnerre. Symbole inattendu d’un possible rapprochement idéologique entre la droite classique et l’extrême droite, ce tête-à-tête de juillet 2025 suscite autant de spéculations que d’inquiétudes, en particulier chez Les Républicains.
Depuis des mois, Jordan Bardella multipliait les signes d’admiration à l’égard de Nicolas Sarkozy. Qu’il s’agisse de la présence d’un de ses livres sur son bureau ou de déclarations appuyées sur la grandeur de sa campagne de 2007, le président du Rassemblement national n’a cessé de tendre la main à l’ancien chef de l’État. Jusqu’à cette rencontre, enfin obtenue, dans les bureaux de la rue de Miromesnil, ce 1er juillet 2025.
Selon Le Parisien, l’échange fut « courtois et chaleureux », sans objectif politique formel, mais avec une charge symbolique évidente. Pour Bardella, l’événement s’apparente à une forme de reconnaissance. Pour Sarkozy, c’est une marque d’ouverture… ou une possible erreur stratégique.
Un soutien implicite qui dérange
Ce tête-à-tête a surpris jusqu’au sein même de la famille sarkozyste. Certains cadres LR se disent abasourdis par cette digue qui semble avoir cédé. « Si Marine Le Pen avait demandé à voir Sarkozy, il aurait dit non », s’indigne un membre LR du gouvernement. Et d’ajouter : « C’est un baiser de la mort. »
Le symbole est d’autant plus fort que Sarkozy a longtemps incarné un rempart contre l’extrême droite. Or, en acceptant de recevoir Jordan Bardella, même à titre privé, il envoie un signal fort – et ambigu – à une partie de l’électorat de droite tenté par l’union avec le RN.
Bardella séduit, mais Sarkozy reste prudent
Cette entrevue, Bardella la voulait depuis longtemps. Il y voyait une occasion d’asseoir sa stature, d’étoffer son image de « présidentiable », et surtout de tendre un pont vers l’électorat conservateur encore réticent. En déclarant avoir été choqué par le retrait de la Légion d’honneur de Nicolas Sarkozy, il avait su toucher une corde sensible. « On peut combattre quelqu’un, mais il ne faut pas oublier les services rendus à la République », avait-il affirmé.
Sarkozy, quant à lui, semble avoir apprécié la politesse et la retenue du jeune président du RN. Un proche affirme que l’ancien président a été « touché par les mots de Bardella », mais que la discussion était d’ordre personnel, pas politique. Pourtant, à ce niveau de visibilité, chaque geste a une portée publique.
Une ligne politique en suspens
Nicolas Sarkozy, on le sait, n’a jamais caché ses réserves sur Jordan Bardella. Il affirmait encore récemment que s’allier avec le RN reviendrait à « suivre un jeune homme sans expérience, qui ne laissera sa place à personne s’il réussit, et entraînera tout le monde dans sa chute s’il échoue ».
Il critiquait aussi l’absence de gestion concrète dans le parcours de Bardella : « Peut-on conduire la France quand on est si jeune et sans expérience ? » Ces mots résonnent aujourd’hui avec d’autant plus d’écho que la rencontre de juillet vient en partie les nuancer. Sarkozy a-t-il changé d’avis ? A-t-il voulu tester son interlocuteur ? Ou simplement entretenir son rôle de faiseur de rois en s’invitant dans la recomposition de la droite ?
Une digue de plus qui s’effondre ?
Cette rencontre incarne peut-être un basculement historique. Depuis 2017, la droite traditionnelle n’a cessé de perdre du terrain, minée par les divisions internes et la montée en puissance de l’extrême droite. Bardella, stratège, sait qu’il a besoin de séduire l’électorat sarkozyste pour élargir sa base. Et Sarkozy, en acceptant de le recevoir, brise un tabou sans prendre parti ouvertement.
La question n’est plus seulement de savoir si LR peut résister à l’attraction du RN, mais s’il lui reste une ligne politique propre. Car pour beaucoup d’observateurs, cette rencontre symbolise la fin d’un cordon sanitaire autour de l’extrême droite.