La justice vient de trancher sur un dossier politiquement et émotionnellement sensible : la gestion de la pandémie de Covid-19 par l’exécutif. Ce 7 juillet, un non-lieu a été prononcé en faveur de trois anciens membres du gouvernement, écartant ainsi toute poursuite judiciaire à leur encontre.
Après près de quatre ans d’instruction, la Cour de justice de la République (CJR) a décidé de ne pas renvoyer Édouard Philippe, Agnès Buzyn et Olivier Véran devant un tribunal. Cette juridiction exceptionnelle, seule compétente pour juger les membres du gouvernement pour des actes commis dans l’exercice de leurs fonctions, a donc suivi le réquisitoire du parquet général émis le 20 mai dernier.
Selon le communiqué de Rémy Heitz, procureur général près la Cour de cassation, la commission d’instruction a estimé que les éléments à charge étaient insuffisants pour caractériser les infractions reprochées, notamment la mise en danger de la vie d’autrui et l’abstention volontaire de combattre un sinistre.
Une enquête sous pression publique
Ouverte en juillet 2020, l’information judiciaire faisait suite à un afflux inédit de plaintes de la part de citoyens, médecins, patients, et syndicats. Tous dénonçaient un défaut d’anticipation, des décisions jugées tardives et un manque de préparation face à la crise sanitaire majeure du XXIe siècle. Si l’émotion collective fut grande, la justice a finalement conclu que les responsables gouvernementaux avaient agi, parfois dans l’urgence, mais sans intention délibérée de nuire.
Agnès Buzyn, ministre de la Santé jusqu’en février 2020, avait été mise en examen en septembre 2021, avant que cette décision ne soit annulée par la Cour de cassation en janvier 2023. Depuis, elle, comme ses deux collègues, disposait du statut de témoin assisté, une position juridique intermédiaire qui ne préjuge pas d’une culpabilité.
Le rôle de la temporalité dans la décision
Un argument central a pesé dans le non-lieu : le moment des faits reprochés. Dans le cas d’Agnès Buzyn, le parquet général a rappelé que le premier décès attribué au Covid-19 en France est survenu après son départ du ministère, le 25 février 2020. Par conséquent, le « sinistre » au sens pénal n’était pas encore avéré à la date de son départ, le 16 février.
Concernant Édouard Philippe et Olivier Véran, le parquet souligne que de nombreuses mesures avaient été prises pour tenter de contenir la pandémie, rendant impossible de démontrer une volonté délibérée d’abstention face au danger.
Une décision qui suscite des réactions contrastées
Pour certains, ce non-lieu sonne comme un désaveu des victimes et des familles endeuillées, qui attendaient un procès pour comprendre les responsabilités individuelles dans les dysfonctionnements apparents. Pour d’autres, il reflète la difficulté de juger des décisions politiques prises dans un contexte d’incertitude et de crise globale.
Les plaignants pourraient encore envisager de contester cette décision devant la Cour de cassation, mais en l’état, le chapitre judiciaire de la gestion du Covid-19 par le gouvernement semble clos.
Un précédent qui fera date
Cette affaire, à la fois judiciaire et symbolique, marque un tournant dans l’histoire politique récente de la France. Elle rappelle la singularité de la Cour de justice de la République, souvent critiquée pour sa clémence à l’égard des membres du gouvernement, mais qui demeure une instance constitutionnelle à part entière.
Le non-lieu prononcé en faveur de Philippe, Buzyn et Véran n’efface pas les débats citoyens sur la gestion de la crise, mais il vient mettre un terme judiciaire à une séquence aussi inédite que tragique.