Il fut poète, icône romantique, militant des causes oubliées. Aujourd’hui, Francis Lalanne, figure atypique de la chanson française, revient sous les projecteurs dans un registre bien plus sombre. Entre maladie, ruine financière et isolement médiatique, le chanteur vit une fin de parcours mouvementée, à mille lieues de ses heures de gloire.
C’est en 1986 que le grand public découvre Francis Lalanne, ce troubadour à catogan qui tranche avec l’époque, dominée par Jean-Jacques Goldman ou Indochine. Son tube On se retrouvera, mélodie mélancolique signée pour Le Passage, un film réalisé par son frère René Manzor, propulse le jeune artiste au sommet. Le succès est immédiat : Top 50, popularité soudaine, un deuxième tube avec Reste avec moi… Francis Lalanne impose son style fait de lyrisme et de spleen hors du temps.
Sa poésie, influencée par Léo Ferré, tranche avec les sonorités électroniques des années 80. Loin des tendances, il trace sa route, fidèle à lui-même, dans un costume de barde moderne. L’artiste se distingue alors autant par sa voix que par sa posture d’homme libre.
L’engagement en bandoulière, jusqu’au débordement
Très vite, Francis Lalanne se fait remarquer pour son engagement politique. Militant écologiste, défenseur des sans-papiers, proche des Gilets jaunes, il se positionne là où peu de chanteurs osent s’aventurer. Sur les plateaux télé, il multiplie les prises de parole musclées, parfois confuses, toujours passionnées. Le ton monte souvent, notamment lors d’un clash resté célèbre avec Éric Naulleau sur le plateau d’On n’est pas couché.
Mais la bascule intervient avec la pandémie de COVID-19. L’artiste bascule alors dans une rhétorique complotiste assumée : rejet des vaccins, discours conspirationnistes, appel à l’insurrection. Son compte Twitter (désormais X) est suspendu, les médias prennent leurs distances. Le chanteur, devenu persona non grata, semble s’enfermer dans un isolement idéologique et médiatique.
Un retour sur le devant de la scène… pour de tristes raisons
En 2025, Francis Lalanne réapparaît dans les médias, notamment face à Jordan de Luxe. Mais ce retour à la lumière n’a rien de triomphal : il révèle y être atteint d’un cancer, désormais en rémission. Fidèle à ses convictions, il indique avoir refusé les traitements conventionnels, leur préférant un protocole alternatif “non autorisé en France”.
Sa santé n’est pas la seule source d’inquiétude. Sa situation financière est tout aussi fragile. Endetté depuis plusieurs années, Lalanne peine à joindre les deux bouts. « Je ne peux pas payer mon loyer », confie-t-il, expliquant donner des cours de guitare ou du coaching musical pour subvenir aux besoins de sa famille, dont une petite fille de 16 mois.
Une figure hors du système, entre lucidité et déraillement
Francis Lalanne évoque aujourd’hui une “censure médiatique”, s’estimant ostracisé pour ses positions politiques et ses prises de parole dérangeantes. Il se présente comme une victime du système, tout en assumant ses choix de vie, aussi marginaux soient-ils. Son passage auprès de figures controversées, comme Dieudonné, alimente cette image d’un homme rejeté par le milieu culturel traditionnel.
Mais derrière les excès et les outrances, reste le souvenir d’un chanteur à part, d’un poète écorché qui a su toucher le cœur de toute une génération. Aujourd’hui, le spleen qu’il chantait s’incarne dans sa propre existence, entre solitude, douleur et dignité.
Alors que son tube On se retrouvera continue d’émouvoir, beaucoup s’interrogent : Francis Lalanne trouvera-t-il un second souffle, ou restera-t-il figé dans une époque révolue ? En tout cas, derrière le personnage controversé, subsiste une voix, une plume, et l’ombre d’un artiste sincère, même au bord du précipice.