Annoncée comme une révolution incontournable, l’interdiction des voitures thermiques neuves à l’horizon 2035 fait désormais l’objet d’un scepticisme croissant.
Entre réalité du marché, freins technologiques et pression des industriels, le projet européen est de plus en plus remis en question, à peine dix ans avant sa mise en œuvre. Actée depuis plusieurs années, la fin de la vente des véhicules thermiques en 2035 est censée incarner l’ambition écologique de l’Union européenne. Pourtant, à dix ans de l’échéance, les voyants sont loin d’être au vert. Sur le papier, l’objectif semblait tenable : accélérer la transition vers l’électrique, réduire les émissions, et moderniser le parc automobile. En pratique, la route est semée d’embûches.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : pour tenir la cadence imposée, il faudrait une croissance annuelle de 25% des ventes de véhicules électriques. Or, depuis le début de la transition, ce taux n’a jamais dépassé 17%. Un retard persistant qui inquiète les professionnels du secteur.
Le consommateur européen, encore loin de l’électrique
Le frein principal à cette dynamique ? La réticence des consommateurs. Si les constructeurs redoublent d’efforts pour enrichir leur offre électrique, la demande reste timide, voire stagnante. En cause : un prix d’achat élevé — 30% supérieur en moyenne à un véhicule thermique équivalent —, une autonomie parfois jugée insuffisante, et une infrastructure de recharge encore inégalement répartie.
La baisse progressive des aides gouvernementales, comme le bonus écologique, a également contribué à refroidir les intentions d’achat. En somme, l’automobiliste européen ne semble pas encore prêt à opérer ce virage radical.
Une industrie sous pression et en perte de vitesse
Les constructeurs ne sont pas en reste face à cette équation économique complexe. À marche forcée, ils ont entamé leur mutation industrielle, réduisant la production thermique pour se concentrer sur l’électrique. Résultat : des volumes de production en net recul, sans que le segment électrique ne compense encore pleinement cette perte.
Face à cette impasse, des acteurs majeurs du secteur appellent à la flexibilité. BMW et Mercedes, fers de lance de l’industrie allemande, plaident désormais pour un assouplissement du calendrier. Ils souhaitent une cohabitation prolongée entre motorisations 100% électriques et hybrides ou thermiques décarbonées.
Vers une remise à plat du calendrier européen ?
La voix des constructeurs n’est plus isolée. Laurent Favre, directeur de l’équipementier OPmobility, a récemment appelé à “remettre le consommateur final au cœur de la stratégie”. Selon lui, l’Europe ne peut ignorer la demande réelle du marché sous peine d’affaiblir davantage son tissu industriel.
Un changement de ton notable : là où les industriels soutenaient hier à l’unisson le virage de 2035, ils demandent aujourd’hui de la souplesse. Ce revirement, dicté par la réalité économique et les doutes des automobilistes, pourrait bien forcer Bruxelles à réévaluer son calendrier, ou du moins ses modalités d’application.
L’avenir du thermique suspendu à la réalité du marché
À ce stade, la date de 2035 n’est pas officiellement remise en cause, mais les fissures s’élargissent. Ce qui semblait être un cap ferme devient désormais un horizon soumis à condition. Le succès de la transition dépendra désormais moins de la volonté politique que de l’adhésion concrète des citoyens et de la capacité du marché à suivre.
Une chose est sûre : le chemin vers l’électrification totale s’annonce bien plus sinueux que prévu, et la question n’est plus seulement de savoir quand on sortira du thermique, mais surtout comment — sans sacrifier ni le consommateur, ni l’industrie.