La montagne séduit par sa beauté et sa promesse d’aventure, mais derrière les panoramas majestueux se cache un terrain de risques réels. Chaque année, les secouristes doivent intervenir pour sauver des randonneurs imprudents, souvent mal préparés, parfois inconscients des dangers. Pourtant, ces interventions, coûteuses, restent intégralement prises en charge par l’État.
En France, les secours en montagne sont gratuits, qu’ils soient effectués par la gendarmerie de haute montagne (PGHM), les CRS, les pompiers spécialisés (GRIMP ou GMSP) ou la Sécurité civile. Qu’il s’agisse d’une opération pédestre ou aérienne, la facture n’est jamais adressée à la victime. Seule exception : les domaines skiables, où une assurance spécifique est fortement recommandée. Mais cette générosité publique a un coût. L’heure de vol d’un hélicoptère atteint plus de 5 000 euros, selon la préfecture des Pyrénées-Atlantiques. Un effort considérable pour les finances publiques, dans un contexte où le nombre d’interventions reste très élevé.
Des chiffres qui témoignent d’une activité intense
Les secours en montagne se répartissent sur l’ensemble du territoire pyrénéen : le PGHM intervient depuis Oloron, Luchon, Savignac ou Osséja, tandis que les CRS sont déployés à Gavarnie, Saint-Lary ou Perpignan. Entre le 1er janvier et le 31 août 2025, les unités du PGHM ont mené plus de 4 300 opérations, soit une baisse de 34 % par rapport à l’année précédente, tandis que les CRS en comptabilisent près de 2 040, en hausse de 17 %. Ces chiffres, communiqués par le ministère de l’Intérieur, illustrent l’ampleur d’un travail quotidien, souvent périlleux, mené pour venir en aide à des pratiquants parfois simplement égarés, fatigués ou mal équipés.
L’éternel débat sur la responsabilité des imprudents
Chaque été, les sauveteurs constatent les mêmes comportements à risque : familles en sandales sur des sentiers escarpés, promeneurs partis sans eau ni carte, randonneurs défiant la météo. Le ministre délégué François-Noël Buffet déclarait en janvier 2025 n’avoir “aucun tabou” quant à la possibilité de revoir la gratuité des secours, notamment pour les cas d’imprudence manifeste ou de non-respect d’interdictions. Faut-il faire payer les inconscients ? La question divise. L’avocate spécialiste du droit de la montagne, Stéphanie Baudot, rappelle que « la frontière entre l’accident et l’imprudence volontaire est ténue ». Où placer le curseur ? s’interrogent les juristes comme les secouristes.
Entre prévention et sanction : un équilibre difficile à trouver
Lors du 131ᵉ congrès national des sapeurs-pompiers, au Mans, ce sujet a animé les débats. Si la Fédération nationale n’a pas pris de position claire, les professionnels s’accordent sur un constat : les appels aux secours augmentent pour des situations non vitales. Dominique Lemblé, chef des secours en montagne dans la Drôme, déplore que certains randonneurs appellent à l’aide simplement parce qu’ils sont mal équipés ou surpris par la nuit. Ces interventions “de confort”, parfois périlleuses pour les sauveteurs, mobilisent des moyens colossaux au détriment des urgences véritables. Certaines collectivités, comme le SDIS de Seine-Maritime, ont déjà franchi le pas : depuis mai 2025, les imprudents qui s’aventurent dans les cavités interdites d’Étretat paient entre 785 € et 2 700 € pour leur sauvetage.
En Europe, la gratuité n’est pas la norme
La France fait figure d’exception. En Espagne, les secours sont généralement gratuits, mais certaines régions facturent une partie des frais selon les circonstances. En Italie, dans le Val d’Aoste, les opérations dites “de confort” — sans urgence médicale — sont à la charge des victimes. Quant à la Suisse, la REGA, célèbre Garde aérienne de sauvetage, fait systématiquement payer ses interventions. Face à ces exemples, la question d’une participation financière symbolique des rescapés français continue de faire débat. Entre justice sociale, responsabilité individuelle et préservation des finances publiques, la montagne reste un terrain où la solidarité et la vigilance doivent marcher main dans la main.