Un président qui dégaine une confession aussi intime que déconcertante : dans un portrait signé Emmanuel Carrère pour The Guardian, Emmanuel Macron se livre avec une rare spontanéité.
À travers quelques anecdotes bien senties, on découvre un chef d’État au rapport trouble avec son adolescence, hanté par des maximes familiales et soutenu, dès l’enfance, par celle qui deviendra sa compagne et partenaire de route, Brigitte Macron. C’est une phrase qui résonne comme un aveu brutal : « Je n’ai jamais été un adolescent. Je n’aime pas les adolescents. Je ne les comprends pas. » Loin du président maître de ses mots, Emmanuel Macron lâche ici une vérité crue, presque désarmante. Il ne s’agit pas d’un simple rejet générationnel, mais d’un positionnement existentiel : celui d’un homme qui s’est toujours perçu à contretemps.
Cette déclaration prend une portée particulière lorsqu’on se souvient qu’il a rencontré Brigitte Macron à l’âge de 15 ans, dans le cadre d’un atelier de théâtre qu’elle animait au lycée La Providence d’Amiens. Un âge auquel il se décrivait déjà comme « en décalage », préférant l’univers des adultes à celui de ses pairs. Et c’est peut-être là que tout commence : dans cette incapacité à épouser les codes d’une jeunesse dont il s’est toujours senti étranger.
Une phrase de grand-mère comme fil conducteur
Dans l’entretien rapporté par Emmanuel Carrère, une formule revient avec insistance : « Bon, tout le monde au lit. Passez la nuit que vous méritez. » Une sentence que le président tient de sa grand-mère, une figure fondatrice de son éducation, souvent évoquée dans ses récits personnels. À la fois tendre et sévère, cette injonction trahit une certaine rigueur morale, une façon de responsabiliser chacun à sa manière, dès le plus jeune âge.
Carrère y voit un symbole : celui d’un enfant qui, dès ses premiers pas, a été sommé d’être à la hauteur. Une exigence, presque une posture, qui aurait modelé son tempérament, façonné sa trajectoire, et peut-être forgé sa résilience politique.
Brigitte Macron, pilier d’un destin hors normes
Le portrait ne serait pas complet sans évoquer le rôle fondamental de Brigitte Macron dans la construction personnelle et professionnelle du président. Emmanuel Carrère n’élude pas la dimension déroutante de leur histoire — elle, enseignante mariée, lui, adolescent passionné. Mais il insiste sur la complicité intellectuelle et émotionnelle qui les unit encore aujourd’hui.
« Peut-être que si elle n’avait pas compris les adolescents, il ne serait pas dans cet avion de promotion aujourd’hui », écrit Carrère. Une façon de reconnaître que, dans l’ombre du président, se trouve une alliée qui a su lire en lui ce que d’autres rejetaient ou ne comprenaient pas. Une présence qui dépasse le cadre conjugal pour devenir moteur de son ascension.
Une confession à double tranchant
En livrant ces confidences, Emmanuel Macron prend le risque de désarçonner, voire de déplaire. Parler de soi avec autant de détachement — voire de dédain — envers une période aussi universelle que l’adolescence, c’est rompre avec les codes de l’empathie politique. Mais c’est aussi, d’une certaine manière, se dévoiler comme rarement.
Ces fragments intimes esquissent un portrait plus nuancé, presque mélancolique, d’un homme souvent perçu comme distant ou technocrate. Derrière l’armure du pouvoir, Emmanuel Macron révèle un parcours atypique, tendu entre la précocité et le besoin d’approbation, entre la froideur de la raison et la chaleur d’un lien fondateur avec Brigitte.