Rien ne laissait présager un tel rebondissement. À peine cinq jours après avoir quitté Matignon, Sébastien Lecornu a été rappelé par Emmanuel Macron pour reformer un gouvernement. Mais cette nouvelle équipe, loin d’apaiser les tensions, a déjà provoqué une onde de choc politique : Élisabeth Borne vient d’en faire les frais.
Le 10 octobre, contre toute attente, Sébastien Lecornu a retrouvé son fauteuil de Premier ministre, seulement quelques jours après avoir présenté sa démission. À 39 ans, l’homme fort du gouvernement Macron a dû composer un nouvel exécutif en un temps record. Certains ministres, comme Rachida Dati, ont conservé leur portefeuille. D’autres, en revanche, ont préféré quitter le navire, à l’image de Bruno Retailleau. Ce remaniement express n’a pas été sans conséquences politiques, ni sans victimes collatérales.
Le faux pas d’Élisabeth Borne
Recrutée début octobre comme ministre de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne a vu sa nomination tourner court en quelques jours. En cause : une interview accordée au Parisien le 7 octobre, dans laquelle elle proposait de « suspendre la réforme des retraites » votée en 2023 « si c’est la condition de la stabilité du pays ». Une phrase lourde de sens, perçue comme une remise en question directe de la ligne présidentielle. Dans les rangs du gouvernement, cette sortie a fait l’effet d’une déflagration.
Une déclaration malvenue au sommet de l’État
Selon plusieurs sources citées par Le Parisien, Sébastien Lecornu aurait lui-même évoqué en interne l’idée d’une suspension temporaire de la réforme, lors d’une réunion ministérielle le 6 octobre. Mais la prise de parole publique de Borne, sans concertation préalable avec Emmanuel Macron ni Matignon, a été jugée inacceptable. Un proche de l’ancienne Première ministre affirme que « le président et le Premier ministre savaient qu’elle réfléchissait à cette hypothèse », mais « ils n’ont pas digéré de la découvrir en direct dans la presse ». Résultat : l’ex-locataire de Matignon a été évincée du gouvernement dès le 12 octobre, remplacée au dernier moment par Édouard Geffray, ancien directeur général de l’enseignement scolaire.
Une éviction lourde de symboles
Pour beaucoup d’observateurs, cette mise à l’écart traduit le retour à une ligne d’autorité stricte au sein du gouvernement Lecornu II. Élisabeth Borne, connue pour son indépendance, aura payé cher son franc-parler. Ironie du sort, celle qui avait défendu la réforme des retraites face à la rue en 2023 se voit aujourd’hui écartée pour avoir osé envisager de la suspendre. Ce nouvel épisode illustre la fragilité de la cohésion gouvernementale, à l’heure où Emmanuel Macron cherche à préserver sa majorité face aux menaces de censure parlementaire.