À deux ans de l’échéance présidentielle de 2027, Dominique de Villepin sort de sa réserve avec des mots forts, une ambition affirmée et une volonté claire : incarner une alternative crédible face à un pouvoir qu’il juge affaibli, et au danger de l’extrême droite qu’il refuse catégoriquement de voir s’installer à l’Élysée.
Dans une interview accordée le 15 juin à Ouest-France, Dominique de Villepin, 71 ans, a livré une analyse lucide et sévère de la situation politique actuelle, s’attaquant directement à Emmanuel Macron et François Bayrou. Pour l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac, les deux figures centristes « sont incapables d’exercer la plénitude de leur fonction ». Une critique qui va bien au-delà des désaccords de fond, et qui traduit un profond malaise face à ce qu’il décrit comme un décalage entre le sommet de l’État et les préoccupations réelles des Français.
Le président actuel est notamment accusé de manquer de hauteur : « Le chef de l’État doit être un arbitre, un garant des institutions, un inspirateur. Il doit incarner la nation. » Or, pour Villepin, Macron s’est enfermé dans un exercice vertical du pouvoir, vidé de son souffle historique.
L’appel à l’expérience : vers une candidature assumée ?
Le diplomate-poète, resté longtemps en retrait de la scène électorale, semble aujourd’hui envisager sérieusement un retour par la grande porte. Interrogé sur ses intentions pour 2027, il a esquissé une réponse lourde de sens : « Chacun l’aura compris : je veux servir mon pays. Je l’ai toujours fait. »
Une déclaration qui, sous sa forme retenue, sonne comme une candidature à peine voilée. Et l’ancien ministre des Affaires étrangères d’enfoncer le clou : « Dans le changement d’époque que nous traversons, les Français ont compris que l’expérience, la vision, la force des convictions et la fermeté des principes sont au cœur de la fonction présidentielle. » Un autoportrait en creux, pour souligner ce qu’il pense pouvoir offrir à une France en perte de repères.
Une mise en garde directe contre le Rassemblement national
Dans le même entretien, Dominique de Villepin s’attaque frontalement à la progression du Rassemblement national, devenu première force politique du pays à l’issue des dernières élections européennes. Il avertit sans détour : « Imaginez où nous en serions aujourd’hui, avec un chef d’État issu de l’extrême droite ? La France serait vassalisée et soumise à M. Trump et M. Poutine ! »
Pour lui, le péril est moins idéologique que stratégique : un président RN, selon Villepin, affaiblirait la position de la France sur la scène internationale, la rendant vulnérable et dépendante de puissances étrangères. En filigrane, l’ancien ministre fait valoir sa propre expertise diplomatique comme rempart contre cette dérive.
Le poids de l’international dans sa vision de la présidence
Dans un monde marqué par la multiplication des conflits – Ukraine, Proche-Orient, tensions sino-américaines – Villepin estime que le prochain président devra posséder une vraie compétence en matière diplomatique, et pas seulement des slogans électoraux. « En 2027, nous ne pourrons plus élire un président qui n’a pas d’expérience éprouvée des affaires internationales », martèle-t-il.
Cette phrase n’est pas anodine : elle place de facto la barre très haut pour les candidats déclarés ou pressentis, y compris au sein des blocs centristes ou souverainistes. Villepin, qui fut la voix de la France à l’ONU contre l’intervention américaine en Irak en 2003, entend rappeler son parcours et sa stature.
Une figure gaullienne face à un paysage fragmenté
En se repositionnant ainsi dans le débat public, Dominique de Villepin renoue avec une posture gaullienne : au-dessus des partis, mais pleinement engagé dans l’avenir du pays. Dans une France en quête de repères, sa voix résonne différemment, entre lyrisme républicain et appel à la raison.
Reste à savoir si cette prise de parole préfigure une véritable campagne ou s’il s’agit d’un ultime avertissement d’un homme d’État à ses successeurs. En tout cas, son message est clair : face à l’usure du pouvoir, à la montée des populismes et à l’imprévisibilité du monde, il faut un capitaine chevronné à la barre.