L’arrivée de Najat Vallaud-Belkacem à la Cour des comptes devait marquer un tournant dans sa carrière. Mais quelques mois seulement après sa nomination, l’ancienne ministre se retrouve au centre d’une tempête institutionnelle.

Sa liberté de parole, héritée du monde politique, se heurte désormais aux exigences de neutralité de la haute juridiction financière. Dès juillet, son entrée au palais Cambon avait fait grincer quelques dents. Certains l’accusaient de « parachutage » ou de connivences politiques. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, avait alors défendu fermement la procédure indépendante qui avait conduit à sa sélection. Il rappelait que l’ancienne ministre n’avait bénéficié d’aucun traitement de faveur et pouvait conserver certains engagements extérieurs, tant qu’ils ne nuisaient pas à ses nouvelles fonctions.
Une sortie publique jugée incompatible avec son rôle

Tout bascule le 7 novembre. France terre d’asile, association qu’elle préside, publie un plan ambitieux sur l’immigration. Najat Vallaud-Belkacem assume entièrement ce document, allant jusqu’à affirmer que régulariser 250 000 travailleurs sans papiers rapporterait 2,9 milliards d’euros par an. Elle dénonce un « gâchis humain et financier » et appelle à une politique migratoire plus cohérente économiquement.
Mais cette prise de position intervient sans en avertir la Cour des comptes, alors même que l’institution est plongée dans un examen budgétaire délicat. Pour Moscovici, la démarche paraît « décalée », voire incompatible avec les obligations de réserve liées à sa fonction. Il saisit donc le comité déontologique, une procédure rare qui témoigne du sérieux du rappel à l’ordre.
Pressions politiques, mais une décision indépendante
Ces derniers jours, Marine Le Pen et Laurent Wauquiez avaient écrit au président de la Cour pour dénoncer les déclarations de l’ex-ministre. Moscovici assure que cette saisine n’a rien à voir avec les courriers politiques. Au moment de son recrutement, Najat Vallaud-Belkacem avait pourtant été prévenue : sa liberté de parole ne serait plus la même qu’en politique, une règle que suivent tous les membres de l’institution.

Le comité pourrait se limiter à un rappel au règlement. Mais le signal est clair : pour Moscovici, qui quittera prochainement ses fonctions, la déontologie s’applique “à tout le monde, sans exception”. « Je ne suis pas son copain, je suis son président », glisse-t-il, déterminé à rappeler les lignes rouges.
Une affaire symbolique pour la Cour des comptes
Cet épisode souligne la frontière ténue entre engagement public et devoir de neutralité. En rejoignant la Cour, Najat Vallaud-Belkacem passait d’un rôle politique à une fonction institutionnelle exigeant discrétion, impartialité et prudence. La polémique actuelle met en lumière ce choc de cultures : celui d’une personnalité habituée au débat public et celui d’une institution attachée à son indépendance absolue.










