
La Théorie Qui Fait Scandale : Des Origines Arabes Au 7ème Siècle
L’info tombe comme un pavé dans la mare occitane. Le cassoulet, fierté indétrônable du Sud-Ouest, serait en réalité d’origine arabe. Cette révélation fracassante vient secouer les certitudes les mieux ancrées.
La thèse fait trembler les puristes : Guillaume Tirel, dit Taillevent, cuisinier des rois au 14ème siècle, se serait directement inspiré d’un livre de cuisine arabe. L’ouvrage en question ? Un traité culinaire de Mohamed de Bagdad écrit en 1226, révélant une cuisine d’une sophistication inouïe.
« Ce livre arabe contenait déjà tout : épices raffinées, herbes aromatiques, légumineuses et mouton », expliquent les historiens de l’alimentation. Le rapprochement est troublant. Dans son célèbre « Viandier », Taillevent décrit exactement un ragout de mouton et porc aux haricots.
Plus explosive encore : l’introduction des fèves blanches en France méridionale daterait du 7ème siècle. Les Arabes auraient non seulement apporté la graine, mais aussi enseigné aux populations locales l’art de préparer ces légumineuses.
L’Occitanie bouillonne. Cette origine arabe remet en question des siècles de légendes patriotiques. Les techniques culinaires sophistiquées, l’utilisation savante des épices, la cuisson lente des légumineuses : tout évoque les méthodes arabes ancestrales.
La pilule passe mal dans une région qui a érigé le cassoulet en symbole identitaire absolu.

La Guerre Des Versions : Quand L’Occitanie Se Déchire
Cette polémique sur les origines arabes ravive une guerre bien plus ancienne. Depuis des décennies, trois villes s’écharpent pour revendiquer la paternité du cassoulet : Castelnaudary, Carcassonne et Toulouse.
Le conflit atteint son paroxysme en 1929 quand Prosper Montagné, grand maître de la gastronomie française, ose trancher dans le vif. Sa formule reste gravée dans le marbre culinaire : « Le cassoulet, c’est la Trinité gastronomique du Languedoc. »
Sa classification fait mouche : Castelnaudary représente « Dieu le Père », version originelle et pure aux haricots blancs et saucisses. Carcassonne incarne « Dieu le Fils », enrichie de gigot et perdrix en saison de chasse. Toulouse devient « le Saint-Esprit », complexifiée par l’ajout de confit d’oie et saucisses de Toulouse.
Chaque camp défend ses secrets avec l’acharnement d’un patriote. Les puristes de Castelnaudary jurent que leur recette date du Moyen Âge. Carcassonne revendique l’excellence par sa viande de gibier. Toulouse mise sur le raffinement de son confit.
Cette bataille territoriale dépasse le simple débat culinaire. Chaque version porte l’âme d’un territoire, l’orgueil d’une communauté. Les querelles de clocher prennent des allures de guerre sainte.
Mais cette rivalité acharnée cache peut-être une vérité plus dérangeante : et si toutes ces versions n’étaient que les héritières d’un plat venu d’ailleurs ?

La Légende Contre L’Histoire : Mythes Et Réalités Décryptés
Cette intuition dérangeante trouve un écho inattendu dans l’enquête historique. Car derrière les querelles de clocher se cache une vérité encore plus troublante : les légendes patriotiques s’effondrent une à une sous l’examen des faits.
Le mythe fondateur de Castelnaudary s’écroule d’abord. La belle histoire du siège de 1355, où les habitants assiégés par les Anglais auraient inventé le cassoulet en mélangeant leurs dernières provisions ? Pure fiction. Les archives le confirment : Castelnaudary n’a jamais subi de siège pendant la guerre de Cent Ans. La cité fut certes partiellement brûlée par les troupes du Prince Noir, mais jamais encerclée.
La chronologie révèle d’autres surprises. Guillaume Tirel, dit Taillevent, décrit déjà au XIVe siècle un « héricot » troublant dans son célèbre Viandier. Ce ragoût de mouton aux fèves blanches, enrichi d’herbes aromatiques, ressemble étrangement à l’ancêtre du cassoulet.
Mais la révélation la plus déstabilisante concerne les fameux haricots blancs. Ces haricots lingots si emblématiques du terroir occitan ? Ils débarquent seulement en 1530 avec Christophe Colomb, remplaçant les fèves d’origine. Le cassoulet moderne n’existe donc que depuis le XVIe siècle.
Les légendes s’effritent, les mythes patriotiques vacillent. Reste cette question lancinante : si Guillaume Tirel s’inspirait vraiment d’un livre arabe de 1226, que reste-t-il de l’authenticité revendiquée par chaque région ?

Le Verdict Des Experts : Entre Doute Et Tradition
Face à ces révélations dérangeantes, les gardiens de la tradition occitane se mobilisent. La Grande Confrérie du Cassoulet de Castelnaudary, autorité suprême en la matière, sort de son silence. Aucune preuve formelle ne vient étayer la thèse de l’origine arabe, martèlent ses membres.
« Ces spéculations historiques restent invérifiables », tranche le Grand Maître de la Confrérie. Le manuscrit de Mohamed de Bagdad de 1226 ? Introuvable. Les témoignages culinaires arabes du VIIe siècle ? Fragmentaires. L’inspiration de Guillaume Tirel ? Pure hypothèse.
Les experts adoptent une position de compromis diplomatique. Plutôt que d’alimenter la polémique, ils proclament une vérité consensuelle : « Le cassoulet fut créé dans le Lauragais ». Cette formule floue englobe toute la région, de Castelnaudary à Toulouse, en passant par Carcassonne.
La stratégie fonctionne. Les querelles s’apaisent, chaque ville conserve sa fierté. Le terroir du Lauragais devient le berceau officiel, réconciliant les ego meurtris.
Reste cette évidence troublante : le cassoulet moderne résulte d’une lente évolution. Des ragots rustiques médiévaux aux raffinements contemporains, le plat a traversé les siècles en s’enrichissant d’influences multiples. Arabes ou pas, ces métissages culinaires font désormais partie de son ADN gastronomique.
La Grande Confrérie referme le dossier, mais l’ombre du doute plane encore sur les tables occitanes.