La publicité de Noël d’Intermarché, devenue virale à une échelle mondiale, n’en finit plus de faire parler d’elle. Mais derrière l’émotion collective suscitée par le loup « Mal-aimé », une controverse inattendue émerge. Un auteur jeunesse affirme reconnaître, presque trait pour trait, l’histoire qu’il avait publiée plusieurs années auparavant.
Avec plus de 700 millions de vues à travers le monde, le film d’animation de Noël d’Intermarché s’est imposé comme l’un des plus grands succès publicitaires de l’année. En deux minutes, le distributeur raconte l’histoire d’un loup solitaire, marginalisé par les animaux de la forêt, qui tente de gagner leur confiance en cuisinant pour eux. Purée, quiche, table dressée sous les sapins enneigés : le récit, très inspiré des codes du conte, se conclut par un repas partagé, symbole de rédemption et de vivre-ensemble.
Pour Thierry Dedieu, auteur et illustrateur jeunesse installé en Ariège, ce succès a un goût amer. En découvrant la publicité, il affirme avoir été frappé par la proximité troublante avec son livre Un Noël pour le loup, publié en 2017 chez Seuil Jeunesse. Dans cet album, un loup solitaire cherche déjà à se racheter en invitant les animaux de la forêt à partager un repas. « Si j’ai trouvé ce film réussi, c’est peut-être parce que c’est mon histoire », confie-t-il à La Dépêche du Midi, allant jusqu’à employer le terme de « plagiat ».
Des différences… mais une trame jugée identique
L’auteur reconnaît toutefois une divergence dans la conclusion. Dans son livre, le repas n’aboutit pas : les animaux ne rejoignent pas le loup, et l’histoire se termine sur une promesse d’efforts renouvelés l’année suivante. Pour autant, Thierry Dedieu estime que l’ossature narrative reste strictement la même. À ses yeux, le cœur du récit — un loup rejeté cherchant l’acceptation par un festin — dépasse la simple coïncidence et relève d’une reprise manifeste.
Du côté d’Intermarché et de son agence de publicité Romance, l’accusation est rejetée sans détour. Son président, Christophe Lichtenstein, rappelle que la campagne s’inscrit dans une saga entamée depuis sept ans autour du thème « On a tous une bonne raison de bien manger ». Il évoque des critiques récurrentes à chaque nouvel opus et affirme que juridiquement, l’accusation est infondée. Selon lui, le récit repose sur des « archétypes universels », le loup partageant un repas en forêt appartenant à un imaginaire collectif largement exploité dans la littérature et le cinéma.
La question des ressemblances visuelles
Au-delà du scénario, Thierry Dedieu pointe également des similitudes graphiques. Il évoque des plans très proches de ceux de son album : animaux dissimulés derrière les arbres, loup dressant une table, bougies allumées au cœur de la forêt. Pour l’auteur, l’accumulation de ces détails ne peut être le fruit du hasard. « Il y a trop de points communs pour que ce soit une simple inspiration lointaine », insiste-t-il, estimant que la frontière entre influence et copie a été franchie.
Longtemps hésitant, l’auteur a finalement décidé de rendre son malaise public. Encouragé par une libraire qui qualifiait la ressemblance de « troublante », Thierry Dedieu a tenté de contacter Intermarché, le studio d’animation Illogic et l’agence Romance, sans réponse à ce stade. Conscient du rapport de force inégal, il assume néanmoins sa prise de parole : « Même si c’est David contre Goliath, je ne voulais pas me taire ».













