Un documentaire-choc, des réactions en chaîne, et une société une fois encore divisée : la sortie de « De rockstar à tueur : Le cas Cantat » sur Netflix a ravivé une plaie encore vive dans la mémoire collective.
Vingt ans après la mort tragique de Marie Trintignant, la question de la séparation entre l’homme et l’artiste s’impose avec une urgence renouvelée.
Avec deux millions de vues en quelques jours seulement, le documentaire Netflix consacré à Bertrand Cantat a provoqué une onde de choc. Intitulé De rockstar à tueur, il retrace le féminicide de l’actrice Marie Trintignant, battue à mort par le chanteur en 2003. Au fil des épisodes, le film dévoile les contours d’un drame intime devenu affaire d’État. Certaines prises de parole, comme celle de Pascal Nègre, ont heurté l’opinion, tandis que d’autres, à l’image de la chanteuse Lio, ont été saluées pour leur lucidité. Lio fut l’une des rares à qualifier les faits de féminicide à une époque où l’on préférait parler de « crime passionnel ».
Un retour sur scène sous haute tension
Aujourd’hui libre et toujours actif musicalement, Bertrand Cantat continue de susciter la controverse. En 2018, lors de sa tournée, il n’a pas hésité à interpeller ses détracteurs en plein concert. Au Zénith de Paris, il interrompt son show pour régler ses comptes : « Ceux qui ne sont pas là pour de bonnes raisons, vous pouvez sortir maintenant… Si certains sont en train de jubiler, il n’y a aucune limite à quel point je vous emmerde. » Des propos provocateurs qui divisent son public, entre applaudissements complices et indignation sourde.
Une vie entre musique et discrétion
Depuis sa sortie de prison, Bertrand Cantat partage sa vie entre Bordeaux et les Landes, dans une relative discrétion. Malgré les protestations de proches de Marie Trintignant, comme Richard Kolinka, père de Roman (l’un des fils de l’actrice), l’ancien leader de Noir Désir poursuit ses projets artistiques. Son retour dans la sphère publique ne passe cependant jamais inaperçu, ravivant chaque fois le débat sur sa légitimité à s’exprimer dans l’espace médiatique.
Le boycott de Vibration : un signal fort
Face à cette controverse grandissante, la station de radio Vibration a tranché : Bertrand Cantat ne sera plus diffusé sur ses ondes. Dans un billet publié sur son site, intitulé Pourquoi nous refusons de diffuser Bertrand Cantat, les responsables éditoriaux expriment une position sans ambiguïté. Ils posent frontalement la question qui divise la société : peut-on encore séparer l’artiste de l’homme ? Leur réponse est claire : « Aucune mélodie, aucun texte, aussi beaux soient-ils, ne sauraient justifier ses actes. »
Une décision applaudie, reflet d’un changement d’époque
En renonçant à diffuser la musique de Cantat, Vibration affirme une éthique artistique en rupture avec les logiques de l’impunité. Dans leur communiqué, les programmateurs interpellent directement leurs auditeurs : « Doit-on continuer à écouter Le vent nous portera ? Ignorer la gravité de ses actes au nom de l’art, ne serait-ce pas perpétuer la culture du silence autour des violences conjugales ? » Un message fort, qui rejoint la réflexion plus large entamée dans le sillage de MeToo, et qui souligne combien les enjeux artistiques ne peuvent être détachés des responsabilités morales et sociales.