Passée sous les radars médiatiques, cette affaire survenue à Nantes met en lumière la détresse silencieuse de certains propriétaires face au phénomène du squat. À 78 ans, une retraitée, déjà fragilisée par l’âge et des ennuis de santé, se retrouve dans l’incapacité d’accéder à son propre bien, aujourd’hui occupé sans autorisation depuis plus de 18 mois.
En 1998, cette Nantaise hérite d’un appartement familial, un T5 qu’elle choisit de louer pour arrondir une petite retraite. Pendant plusieurs années, les loyers de ce bien représentaient un complément de revenu vital, estimé à près de 1000 euros par mois. Mais depuis que le logement est occupé illégalement par une famille se déclarant en grande précarité, la situation est figée. La propriétaire, affaiblie, ne peut plus disposer de son bien, ni le relouer à de nouveaux locataires.
Sa fille, qui l’aide dans les démarches depuis une autre région, dénonce un blocage administratif et judiciaire incompréhensible. « Cela fait maintenant plus d’un an et demi que rien n’avance », confie-t-elle au Figaro. Et pendant ce temps, les frais continuent de s’accumuler.
Une procédure suspendue malgré un constat officiel
Pourtant, toutes les étapes légales ont été respectées. Un huissier a constaté la présence d’occupants sans droit ni titre, et une demande d’expulsion a été transmise à la préfecture dès le printemps 2024. Mais cette dernière a suspendu la procédure, mettant en avant la « vulnérabilité des occupants ».
Il s’agit d’une famille avec deux très jeunes enfants, âgés de 1 et 2 ans. Le père affirme avoir tenté, sans succès, d’obtenir une solution d’hébergement d’urgence en appelant le 115 à plusieurs reprises. Ce manque de solution immédiate a pesé lourd dans la balance, poussant le tribunal à geler l’expulsion afin d’éviter une mise en danger des enfants. Une décision difficile à entendre pour la propriétaire, mais que les autorités justifient par l’urgence sociale.
Une situation financière de plus en plus intenable
Pendant que les démarches s’enlisent, les factures continuent de tomber pour la retraitée. Eau, entretien, charges, taxe foncière : tout reste à sa charge, malgré le fait qu’elle ne puisse ni habiter le logement ni en percevoir les loyers. « Ma mère a reçu une taxe foncière de 1800 euros qu’elle n’a pas pu régler », explique sa fille. Et les consommations des occupants, notamment en eau, aggravent la pression financière.
La seule voie possible serait désormais de saisir à nouveau la justice pour tenter d’obtenir une expulsion judiciaire, mais cela implique des frais d’avocat supplémentaires. Pour une femme dont le revenu principal repose sur une pension modeste, cette issue semble de plus en plus hors de portée.
Une impasse qui met en lumière les contradictions du système
Si la fille de la propriétaire se dit sensible aux réalités du mal-logement, elle déplore néanmoins que ce combat pour la justice immobilise un bien privé et pénalise une femme âgée et fragile. Cette affaire relance, de manière concrète et poignante, le débat sur la gestion des occupations sans droit, notamment lorsque le propriétaire n’est pas un investisseur ou une grande structure, mais simplement un particulier vulnérable.
En attendant, les autorités cherchent une issue. La préfecture affirme collaborer avec les services sociaux pour reloger la famille, une condition indispensable pour libérer le logement dans des conditions humaines. De plus, une éventuelle mesure administrative est à l’étude pour permettre une reprise rapide du bien, sans nuire aux occupants.
Une affaire exemplaire d’un problème national
Ce dossier rappelle combien le phénomène du squat n’est pas uniquement une affaire de conflits de société ou de grands principes, mais aussi de vies individuelles bousculées. Derrière les termes juridiques, c’est une retraitée qui voit sa sécurité matérielle et psychologique vaciller, et une famille qui, faute d’alternatives, s’installe là où elle le peut.