Alors que la question de la réforme électorale agite la majorité, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a fermement rejeté l’idée d’introduire la proportionnelle aux élections législatives.
Un désaccord frontal avec François Bayrou, qui relance les tensions au sein de l’exécutif et du camp de droite. Ce lundi 2 juin, à l’issue d’un long échange avec le Premier ministre François Bayrou, Bruno Retailleau a coupé court aux spéculations : il ne « portera pas » le projet de réforme électorale visant à instaurer un scrutin proportionnel aux législatives. Ministre de l’Intérieur et désormais figure centrale des Républicains, il s’oppose frontalement à une idée que le chef du gouvernement défend avec insistance depuis plusieurs semaines.
Retailleau met en garde contre une réforme qu’il juge dangereuse pour la stabilité politique : « L’éparpillement auquel la proportionnelle conduirait est profondément déstabilisant », a-t-il affirmé. À ses yeux, ce mode de scrutin engendrerait « l’impuissance publique » en rendant les décisions politiques ingouvernables.
Une fracture idéologique dans l’exécutif
Cette divergence marque un tournant dans les relations entre le ministre et le Premier ministre. Après plus d’une heure d’entretien, Retailleau a déclaré que « toutes les options sont ouvertes » quant à son avenir place Beauvau. Une phrase lourde de sens qui laisse planer la menace d’une démission, si la réforme venait à être imposée contre son gré.
Laurent Wauquiez, chef de file des députés LR, et Mathieu Darnaud, président du groupe LR au Sénat, étaient également présents. Leur soutien à Retailleau souligne une opposition large et ferme des Républicains à cette réforme électorale, qui bouleverserait les équilibres politiques actuels.
Un attachement revendiqué au scrutin majoritaire
Pour Bruno Retailleau, la proportionnelle affaiblirait le lien entre le député et son territoire. Il défend un enracinement local des élus, socle du scrutin uninominal à deux tours en vigueur sous la Ve République, à l’exception notable de 1986.
« La droite est attachée à un lien de proximité entre l’élu et les citoyens, » a-t-il insisté. Selon lui, la proportionnelle renforcerait la fracture entre la France urbaine, plus représentée dans les partis émergents, et la France rurale, qui trouverait moins facilement ses relais politiques dans un système national.
Une réforme aux conséquences politiques lourdes
Derrière les principes affichés se cache aussi une crainte électorale bien réelle. Selon des simulations relayées par BFMTV, si la proportionnelle avait été appliquée aux législatives de 2024, Les Républicains n’auraient obtenu que 22 sièges, contre 67 aujourd’hui. Le Rassemblement National, à l’inverse, aurait vu son influence considérablement renforcée.
Cette perspective nourrit l’hostilité des cadres LR, qui redoutent une marginalisation parlementaire. D’ailleurs, la semaine dernière, le bureau politique du parti a publié un communiqué exprimant sa « ferme opposition » à tout changement du mode de scrutin.
Une réforme relancée par François Bayrou
François Bayrou, défenseur de longue date de la proportionnelle, a entamé depuis fin avril une série de consultations pour faire avancer ce dossier. Il plaide pour une proportionnelle intégrale par département, sur le modèle de 1986. Un projet de loi pourrait être examiné à l’automne.
Mais le consensus semble loin. Le camp présidentiel est lui-même divisé, entre partisans d’une réforme favorisant le pluralisme, et défenseurs d’un système garant de la stabilité.