Face à une inflation persistante et un budget 2026 placé sous le signe de la rigueur, le gouvernement envisage une mesure inédite : permettre aux salariés de monétiser leur cinquième semaine de congés payés. Mais entre promesse de pouvoir d’achat et crainte d’un recul social, la France s’interroge.
Dans le cadre des arbitrages budgétaires pour 2026, le Premier ministre François Bayrou a évoqué la possibilité pour les salariés de renoncer à leur cinquième semaine de congés payés en échange d’une compensation financière. Cette mesure, présentée comme une forme de flexibilité supplémentaire, serait volontaire et soumise au bon vouloir des salariés. L’objectif annoncé : offrir un complément de revenu dans un contexte de forte pression sur le pouvoir d’achat.
Les syndicats montent au créneau
Du côté des organisations syndicales, la réaction ne s’est pas fait attendre. Pour la CGT, cette proposition est perçue comme une atteinte frontale aux acquis sociaux. Denis Gravouil, secrétaire confédéral du syndicat, dénonce « une symbolique extrêmement violente et très patronale », insistant sur le rôle fondamental du repos pour les travailleurs. « Les congés ne sont pas un luxe, ils sont une nécessité pour préserver la santé et l’équilibre des salariés », martèle-t-il.
Des salariés partagés entre vacances et revenus
Du côté des principaux intéressés, les avis sont loin d’être unanimes. Pour Sibylle, interrogée par RMC, il n’est pas question de renoncer à une seule journée de repos : « Je sais que j’y tiens à ces cinq semaines, je préfère partir en vacances qu’avoir cet argent. » Même son de cloche chez Julie, qui souligne que sans cette semaine, les vacances d’hiver risquent de passer à la trappe : « Deux ou trois semaines l’été, et il ne reste plus rien pour Noël. »
Une flexibilité saluée par certains
D’autres salariés, en revanche, voient la mesure d’un bon œil. Corentin, qui prend rarement tous ses congés, y voit une opportunité : « Plutôt que de les perdre, j’aurais préféré me les faire payer. En tout cas, j’y aurais réfléchi si j’avais eu le choix. » Pour Maxime, chef d’une petite entreprise de carrelage, cette possibilité pourrait alléger la pression sur son activité : « C’est toujours mieux à prendre. Plutôt que de tout arrêter, on pourrait travailler certaines semaines et réduire les périodes de fermeture. »
Une mesure en cohérence avec l’évolution du travail ?
Pour le gouvernement, cette option répond à une logique d’adaptation des formes de travail. Alors que 40 % des salariés effectuent déjà des heures supplémentaires, la monétisation des congés pourrait s’inscrire dans une dynamique plus large de valorisation du temps travaillé, tout en restant basée sur le volontariat. Cette perspective reste cependant fragile : elle suppose que les salariés aient une réelle liberté de choix et ne soient pas incités à renoncer à leurs congés sous pression financière ou managériale.
Le spectre d’un précédent social
En arrière-plan, c’est la place même des congés payés dans le modèle social français qui est en jeu. La cinquième semaine, instaurée en 1982 sous le gouvernement Mauroy, incarne un progrès emblématique pour de nombreux salariés. Y toucher, même sous couvert de volontariat, revient pour les syndicats à ouvrir une brèche dans un édifice construit de longue lutte.
Et maintenant ?
Les discussions avec les partenaires sociaux s’annoncent tendues. Si le gouvernement mise sur une approche pragmatique, en vantant les vertus de la liberté individuelle et du gain financier, les syndicats dénoncent une logique de travail sans répit. La balle est désormais dans le camp des négociations, mais l’émotion suscitée par cette proposition montre que, en matière de congés, les Français restent profondément attachés à un certain équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.