Transporter une valise pour un proche peut sembler anodin. Mais lorsque son contenu s’élève à plus de 14 000 euros de cigarettes de contrebande, l’affaire prend une tout autre dimension — surtout lorsqu’elle concerne une élue de la République.
Le 4 mai dernier, à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, la sénatrice Les Républicains de Saint-Martin, Annick Petrus, a été contrôlée par les douaniers avec une cargaison de tabac illégalement transportée. Pas moins de 110 cartouches de cigarettes, soit l’équivalent de 22 kilos de tabac pour une valeur marchande estimée à 14 250 euros, étaient dissimulées dans une valise. Une somme et une quantité bien supérieures aux limites autorisées pour un transport personnel.
Une procédure évitée grâce à une transaction
Si une telle infraction peut théoriquement entraîner jusqu’à trois ans d’emprisonnement, la parlementaire a évité les poursuites judiciaires. Grâce à une convention entre la douane et le parquet de Bobigny, les contrevenants transportant moins de 150 cartouches peuvent bénéficier d’un « arrangement transactionnel ». Dans ce cadre, Annick Petrus a dû s’acquitter d’une amende de 4 900 euros, et sa marchandise a été confisquée. Un traitement certes légal, mais qui ne manque pas de soulever des interrogations sur l’exemplarité attendue d’une élue.
Un « service » pour une connaissance, selon la sénatrice
Interrogée par Mediapart, Annick Petrus a reconnu les faits, tout en affirmant avoir agi par pure courtoisie, dans le cadre d’un déplacement officiel entre les Antilles et Paris. Elle explique avoir simplement accepté de transporter la valise à la demande d’une connaissance à Saint-Martin : « Ça se fait beaucoup aux Antilles », a-t-elle déclaré. Des propos qui laissent entendre que cette pratique serait courante, notamment entre proches ou membres d’une même communauté.
Une méconnaissance volontaire ?
La sénatrice affirme n’avoir « jamais demandé ce que contenait la valise », évoquant une forme de confiance spontanée et d’habitude établie : « 95 % de mes voyages, j’ai un colis pour quelqu’un. » Mais cette défense de la naïveté soulève une question : comment une élue de la République peut-elle ignorer les conséquences juridiques de transporter un bagage scellé sans en connaître le contenu ? Surtout lorsqu’elle le fait régulièrement, entre des territoires douanièrement sensibles comme les Antilles et l’Hexagone.
Fait encore plus troublant : Annick Petrus a confirmé avoir été remboursée de l’amende par la personne qui lui avait confié le bagage. Autrement dit, la sanction administrative n’a pas eu d’effet punitif réel pour la sénatrice, qui n’a subi aucune perte financière. Cette situation alimente l’idée d’une impunité relative et soulève des interrogations sur la portée dissuasive des sanctions appliquées.