L’affaire Marianne Bachmeier demeure l’un des faits divers les plus marquants du XXe siècle.
Cette mère, anéantie par l’assassinat de sa fille, a choisi de faire justice elle-même en abattant l’homme accusé du crime, en plein tribunal. Quarante ans plus tard, son geste continue de diviser l’opinion entre compassion et rejet de la justice privée.
Le 5 mai 1980, la petite Anna, âgée de 7 ans, disparaît après une dispute familiale. Rapidement, les enquêteurs retrouvent sa trace chez Klaus Grabowski, 35 ans, ancien délinquant sexuel déjà condamné pour agressions sur mineures. L’homme retient l’enfant plusieurs heures avant de l’étrangler. Son corps est découvert dans un sac plastique, provoquant une vague d’indignation à travers l’Allemagne.
Le procès qui tourne au drame
Lorsque le procès de Grabowski s’ouvre, deux ans plus tard, Marianne Bachmeier, la mère de la fillette, assiste à l’audience. Rongée par le chagrin, elle supporte difficilement les détails du crime. Le 6 mars 1981, elle sort une arme dissimulée dans son sac et tire sept coups de feu dans la salle d’audience. Six atteignent Grabowski, qui meurt instantanément, sous les yeux médusés des juges, des avocats et des journalistes présents.
Une “maman vengeresse” qui fracture l’opinion
Arrêtée sans résistance, Marianne Bachmeier devient rapidement une figure médiatique. Pour certains, elle incarne une mère brisée qui a osé faire ce que la justice n’aurait pas permis. Pour d’autres, son geste illustre les dérives d’une justice expéditive qui remet en cause l’État de droit. Les médias allemands la surnomment alors la “maman vengeresse”, déclenchant un débat national sans précédent.
Un verdict controversé
En 1983, après un procès très médiatisé, Marianne Bachmeier est reconnue coupable d’homicide involontaire et de détention illégale d’arme à feu. Elle est condamnée à six ans de prison mais n’en purgera que trois. Un sondage de l’époque révèle l’ampleur de la fracture : 28 % des Allemands jugent la peine juste, 27 % trop lourde et 25 % trop clémente. L’affaire devient le symbole des dilemmes éthiques autour de la vengeance et de la justice.
Une vie brisée par les drames
La vie de Marianne Bachmeier a toujours été marquée par les blessures. Fille d’un ancien membre de la Waffen-SS, victime de violences dans sa jeunesse, elle avait déjà abandonné deux enfants avant d’élever seule Anna. En 1995, dans une interview bouleversante, elle admet que son geste n’était pas totalement impulsif : elle avait prémédité l’exécution pour empêcher Grabowski d’humilier à nouveau la mémoire de sa fille.
La fin tragique d’une mère meurtrie
Après sa libération en 1985, Marianne tente de reprendre une vie discrète, loin des caméras. Mais le poids du drame reste omniprésent. En 1996, à seulement 46 ans, elle succombe à un cancer. Son histoire, mêlant douleur, colère et justice personnelle, continue d’incarner la fine frontière entre la légitimité du deuil et le danger de la vengeance.