Le retrait en urgence du Ludiomil, un antidépresseur prescrit en France depuis plusieurs décennies, vient rappeler la vigilance permanente que nécessite la pharmacovigilance.
La présence d’impuretés de type nitrosamine dans certains lots a conduit l’ANSM à alerter près de 5 000 patients, majoritairement âgés, qui se retrouvent confrontés à une adaptation délicate de leur traitement. Le laboratoire Centre spécialités pharmaceutiques (CSP) a signalé à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) la découverte de nitrosamines dépassant les seuils réglementaires dans les lots F0016 et F0017 (25 mg) ainsi que F0018 (75 mg). Ces substances, classées comme cancérigènes probables, sont surveillées de près par les autorités sanitaires. La limite fixée pour la maprotiline, principe actif du Ludiomil, est de 18 ng/jour, un seuil franchi par les analyses. La distribution des boîtes concernées a cessé le 31 mars 2025, mais certaines pouvaient rester en circulation avec des dates de péremption allant jusqu’en 2027.
Un traitement phare des épisodes dépressifs
Le Ludiomil, à base de maprotiline, est couramment prescrit pour traiter les dépressions. Son action repose sur le blocage de la recapture des monoamines, ciblant particulièrement la noradrénaline, et il est souvent administré à des patients de plus de 60 ans. Or, l’arrêt brutal d’un tel traitement peut entraîner nausées, vomissements, douleurs abdominales, insomnies ou anxiété accrue, rendant la gestion du rappel particulièrement sensible.
Une production suspendue et une refonte en cours
Face à la gravité du problème, le laboratoire Amdipharm, détenteur de l’autorisation de mise sur le marché, a suspendu la fabrication et la distribution de Ludiomil. Un nouveau procédé de production est en cours de développement, afin d’éviter la formation de nitrosamines. Le retour de lots conformes est espéré d’ici fin 2026, mais d’ici là, les patients doivent être réorientés vers d’autres molécules.
Les alternatives thérapeutiques proposées
L’ANSM recommande aux patients de ne pas interrompre seuls leur traitement et de consulter leur médecin. Deux alternatives principales sont proposées :
L’amitriptyline (Laroxyl et génériques) : un antidépresseur tricyclique, dont la dose maximale est fixée à 150 mg/jour. La substitution peut se faire de manière progressive ou immédiate.
La mirtazapine (Norset et génériques) : un antidépresseur tétracyclique, prescrit entre 15 et 45 mg/jour, nécessitant une transition étalée sur plusieurs jours à quatre semaines.
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Ces ajustements doivent être personnalisés en fonction de l’état clinique du patient et de son profil de tolérance.
Les professionnels de santé en première ligne
Médecins et pharmaciens sont mobilisés pour accompagner les patients. Les prescripteurs doivent rapidement contacter les personnes traitées par Ludiomil afin de planifier un changement de molécule. Les pharmaciens, de leur côté, sont chargés d’informer les patients, d’expliquer la procédure de retour des boîtes et de faciliter la transition thérapeutique.
Une mobilisation collective
Outre l’ANSM et Amdipharm, plusieurs institutions participent à cette opération : le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM), le Collège de médecine générale (CMG), le Conseil national de l’ordre des pharmaciens (CNOP), ainsi que des associations de patients comme France Assos Santé ou l’Unafam. L’objectif est double : assurer la sécurité des malades et maintenir la confiance envers le système de régulation.
Un rappel qui illustre les enjeux de santé publique
Cette affaire souligne la fragilité des chaînes de production pharmaceutiques et l’importance des contrôles de qualité. Si les alternatives existent, le choc est réel pour des milliers de patients âgés, qui doivent réadapter leur traitement dans un contexte d’inquiétude et de vulnérabilité. À plus long terme, ce type de rappel met en lumière la nécessité de renforcer la transparence et la prévention dans l’industrie du médicament.