Il avait fait de la mise en scène un art, jusqu’au bout. Thierry Ardisson, disparu le 14 juillet 2025 à l’âge de 76 ans, n’a pas dérogé à sa réputation : même sa mort, il l’avait orchestrée dans les moindres détails, avec cette volonté farouche de ne jamais quitter la scène en silence.
Atteint d’un cancer du foie, Thierry Ardisson savait ses jours comptés. Fidèle à lui-même, il n’a rien laissé au hasard. Bien avant son décès, il avait déjà prévu la tonalité de son départ : bruit, lumière, et confession sans filtre. Son ultime provocation ? Un documentaire diffusé à peine deux jours après sa mort, ce mercredi 16 juillet, sur TF1, en deuxième partie de soirée.
Réalisé par sa compagne Audrey Crespo-Mara, journaliste phare de la chaîne, ce film posthume, intitulé La face cachée de l’homme en noir, offre un regard intime et cru sur les derniers mois de sa vie. La caméra de sa femme l’a suivi dans son combat contre la maladie, tout en retraçant les étapes marquantes de sa carrière médiatique et de sa vie personnelle. Une mise en abyme volontaire, où Ardisson choisit de se raconter et de se dévoiler, même au seuil de la mort.
Une sortie qui divise jusque dans les médias
Mais cette programmation éclair suscite déjà des remous dans le paysage audiovisuel français. Sur les réseaux sociaux, certains professionnels s’étonnent du rythme effréné imposé à cet hommage. Julien Courbet, figure de M6, n’a pas mâché ses mots : « Il n’est même pas enterré… Je suppose que c’était sa volonté… Ça fait quand même bizarre. » Ce commentaire souligne une gêne diffuse, entre admiration pour le geste artistique et malaise face à une mort rendue spectacle.
Et pourtant, ce choix semble pleinement assumé. Ardisson avait depuis longtemps préparé son départ. Il avait même évoqué sa disparition dans son autobiographie L’homme en noir, parue en mai dernier. La couverture du livre, symbolique, le montrait marchant de dos dans un couloir sombre, vers une lumière au loin : un adieu visuel, métaphorique, presque mystique.
Le dernier mot d’un maître de la provocation
Rien n’avait été laissé au hasard. Jusqu’à la cérémonie funéraire, dont il avait planifié chaque étape, Thierry Ardisson voulait garder le contrôle, y compris au-delà de sa propre existence. Il avait même confié à son ami de toujours, Philippe Corti, la mission de porter sa voix dans les médias après sa mort. Ce dernier, désemparé, a confié au Parisien : « Comme ce fou de Thierry avait tout prévu, il a donné mon numéro à toutes les rédactions… Je ne sais plus à qui je parle. »
Cette ultime mise en scène révèle un homme pour qui la vie publique ne devait jamais s’interrompre, pas même dans la mort. En choisissant le 14 juillet, fête nationale, pour tirer sa révérence, en organisant une diffusion posthume sur la première chaîne française, et en mobilisant les médias comme les proches, Thierry Ardisson a fait de sa fin un acte artistique, une performance en soi.