Un demi-siècle après sa signature, l’accord franco-algérien de 1968 pourrait bien vivre ses dernières heures.

Un rapport parlementaire français propose d’y mettre fin au nom du « principe d’égalité » entre ressortissants étrangers. Une remise en question qui, au-delà de la technique juridique, touche à un symbole fort des relations entre Paris et Alger.
L’accord de 1968, signé six ans après la fin de la guerre d’Algérie, visait à réguler l’installation des travailleurs algériens en France à une époque où le pays manquait de main-d’œuvre. Ce texte conférait aux Algériens un statut privilégié, différent de celui des autres étrangers.
Ils bénéficient notamment d’un titre de séjour de dix ans délivré plus facilement, ainsi que d’un accès simplifié au regroupement familial : les conjoints et enfants rejoignant un titulaire d’un certificat de résidence obtiennent, eux aussi, un titre valable dix ans dès leur arrivée.
Un régime dérogatoire considéré à l’époque comme un geste politique et humanitaire envers une population anciennement colonisée et très présente sur le territoire français. Mais pour une partie de la classe politique, ce cadre n’est plus adapté à la réalité contemporaine.
Un rapport qui dénonce une “rupture d’égalité”
Présenté par Mathieu Lefèvre — désormais ministre délégué à la Transition écologique — et Charles Rodwell, deux députés de la majorité présidentielle, le rapport juge cet accord désuet et discriminatoire.
Selon eux, il « crée une rupture d’égalité qui fragilise notre ordre juridique » et représente un « surcoût » pour les finances publiques, évalué à près de 2 milliards d’euros par an, notamment via les prestations sociales et les frais administratifs.
Les auteurs soulignent toutefois que cette estimation reste approximative, faute de données exhaustives disponibles.
Le texte dénonce également l’absence de réciprocité : l’accord ne prévoit aucune disposition équivalente pour les Français vivant en Algérie. « Il n’a d’accord que le nom », tranchent les députés, affirmant qu’il s’apparente davantage à une déclaration unilatérale de la France qu’à un véritable traité bilatéral.
Une “discrimination entre étrangers” au cœur du débat

Le rapport met en avant une problématique juridique sensible : les Algériens sont soumis à des règles distinctes des autres nationalités non européennes, ce qui serait contraire au principe d’égalité devant la loi.
« Cette différenciation entre étrangers n’a plus lieu d’être », affirment les députés, estimant que la dénonciation de l’accord serait possible sans rompre brutalement avec Alger, à condition de procéder par étapes et avec diplomatie.
Cette position rejoint celle exprimée en février dernier dans un rapport du Sénat, qui recommandait déjà d’envisager la fin de l’accord. À droite, des figures comme Bruno Retailleau militent ouvertement pour cette suppression, y voyant une manière de « restaurer la cohérence du droit des étrangers ».
Des répercussions diplomatiques prévisibles
Si cette recommandation venait à être suivie, elle pourrait tendre davantage les relations entre la France et l’Algérie, déjà au plus bas depuis l’été 2024, après la reconnaissance par Paris d’un plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental.
Dans ce contexte, la question migratoire et les privilèges accordés aux Algériens revêtent une dimension hautement politique. La dénonciation de l’accord de 1968 serait perçue à Alger comme une remise en cause d’un pilier historique des liens franco-algériens, risquant d’envenimer encore un dialogue déjà fragile.
Un enjeu humain et politique majeur
Aujourd’hui, près de 650 000 Algériens vivent légalement en France, faisant de cette communauté la plus importante nationalité étrangère du pays. En 2024, les ressortissants algériens occupaient aussi la deuxième place pour les premières délivrances de titres de séjour.










