La traditionnelle promotion du 14-Juillet n’a pas échappé à la polémique cette année. Parmi les 589 nouveaux récipiendaires de la Légion d’honneur, la nomination de l’humoriste Sophia Aram a déclenché une salve virulente du député Aymeric Caron, aussitôt contrée par des figures médiatiques comme Laurent Joffrin.
Un échange tendu, reflet d’une fracture politique et symbolique autour de cette distinction républicaine. Sur le réseau X (ex-Twitter), le député apparenté LFI Aymeric Caron a vivement dénoncé ce qu’il considère comme une mascarade institutionnelle. Selon lui, la distinction serait « distribuée, à quelques exceptions près, aux membres d’un club fermé d’inutiles et de nuisibles », un outil des dominants pour masquer leur imposture. Une attaque frontale, généralisée, qui ne vise pas seulement les figures médiatiques, mais l’ensemble des récipiendaires de cette distinction, toutes promotions confondues.
Un commentaire provocateur qui, sans surprise, a trouvé un écho médiatique immédiat. Et si certains partagent son scepticisme vis-à-vis de cette récompense, le ton, lui, a suscité une forte réprobation, y compris dans les rangs des observateurs critiques du pouvoir.
Laurent Joffrin contre-attaque dans un éditorial cinglant
Dans un éditorial publié dans Le Journal, l’ancien directeur de Libération, Laurent Joffrin, n’a pas mâché ses mots pour répondre au député. Il qualifie les propos de Caron d’« insultes » injustifiables, témoignant selon lui d’« une ignorance crasse », voire d’« une bêtise persistante » qui caractériserait nombre de ses interventions.
Joffrin rappelle que la Légion d’honneur distingue aussi bien des artistes que des anonymes engagés, des scientifiques, enseignants, pompiers, militaires morts au combat ou militants de terrain. « Rejeter en bloc cette décoration, c’est mépriser leur engagement autant que leur mémoire », tranche le journaliste. Non sans ironie, il glisse que Caron, député de cette même République, devrait alors se considérer comme un imposteur lui aussi, si l’on suit sa propre logique.
Sophia Aram répond avec émotion et fermeté
Principalement visée par la critique initiale, Sophia Aram a elle aussi répondu publiquement, en revendiquant la légitimité de son engagement et la symbolique personnelle de cette décoration. Elle évoque « la joie de [son] père et des [siens] », qui donne selon elle tout son sens à cette reconnaissance. Par ce message, elle oppose une émotion familiale et intime à la vision idéologique et réductrice d’Aymeric Caron.
L’humoriste en a profité pour afficher son soutien à Gisèle Pelicot, militante contre les violences sexuelles également décorée cette année, implicitement visée par les propos généraux du député.
Un antagonisme idéologique persistant
Ce nouvel affrontement public n’est pas une première entre Aram et Caron, régulièrement opposés sur les réseaux sociaux, notamment autour du conflit israélo-palestinien. Leur antagonisme incarne deux visions radicalement opposées de l’engagement public et du rôle des intellectuels dans le débat démocratique.
Sophia Aram défend une approche républicaine exigeante, parfois corrosive, mais ancrée dans l’universalisme et la satire. Aymeric Caron, lui, porte une critique de rupture, souvent frontal, s’attaquant aux symboles et aux institutions qu’il considère comme les piliers d’un ordre injuste.
Une polémique révélatrice d’un climat tendu
Au-delà de l’échange entre personnalités, cette polémique met en lumière un clivage plus profond : celui qui oppose les tenants d’une République qui honore à la fois ses élites et ses héros discrets, et ceux qui considèrent ces gestes comme une mise en scène du pouvoir. La question devient alors : peut-on encore distinguer sans être suspecté ?