Alors que la gauche est en proie à des déchirements internes à quelques mois d’échéances décisives, le Parti socialiste vient de vivre un congrès sous haute tension à Nancy.
Olivier Faure, reconduit à la tête du PS, tente de maintenir une ligne d’unité, mais les attaques frontales de Jérôme Guedj contre Jean-Luc Mélenchon ont ravivé les fractures les plus profondes au sein de la NUPES, au point de remettre en cause la possibilité même d’une alliance électorale cohérente. L’ambition d’Olivier Faure d’unifier la famille socialiste s’est heurtée à la réalité d’un parti divisé. À Nancy, le week-end n’a pas suffi à recoller les morceaux entre les partisans d’une gauche unie sous conditions — emmenés par Faure — et ceux qui rejettent frontalement toute alliance avec La France Insoumise, jugée toxique. Dans ce contexte déjà fragile, l’intervention incendiaire de Jérôme Guedj a mis le feu aux poudres : en accusant Jean-Luc Mélenchon d’“antisémitisme” et en le qualifiant de “salopard”, le député de l’Essonne a dépassé le simple cadre du désaccord politique pour entrer dans un affrontement personnel et symbolique.
Ces mots lourds ont provoqué l’ire des troupes insoumises, qui ont immédiatement exigé des excuses, non seulement de Guedj, mais aussi de la direction socialiste. Mais le Premier secrétaire a refusé de céder.
Olivier Faure refuse de jouer les arbitres
Pas question pour Olivier Faure de s’incliner ou de distribuer des blâmes, encore moins face à un adversaire aussi virulent que Mélenchon. Interrogé lundi 16 juin sur Télématin, il a renvoyé la balle à ses ex-partenaires insoumis, leur reprochant de “ne pas balayer devant leur porte”, en référence aux multiples tensions et attaques adressées au PS depuis des mois. Le patron du PS déplore que le débat politique soit sans cesse pollué par des querelles personnelles entre figures de la gauche : “S’ils veulent se parler, ils le font dans un coin”, a-t-il cinglé, en référence à Guedj et Mélenchon, dont il rappelle la proximité passée.
En filigrane, c’est toute la stratégie d’Olivier Faure qui se joue : se poser comme le garant d’un projet social-démocrate crédible face à l’extrême droite, tout en évitant de sombrer dans les guerres intestines qui rendent la gauche illisible aux yeux des électeurs.
La riposte des proches de Guedj
Mais cette neutralité affichée est loin de satisfaire tous les socialistes. David Assouline, soutien de Nicolas Mayer-Rossignol, n’a pas mâché ses mots sur les réseaux sociaux : “On ne met pas sur le même plan des propos antisémites et celui qui les dénonce.” Pour ces cadres du PS, le silence d’Olivier Faure équivaut à une forme de compromission, voire d’abandon de terrain moral, au moment même où la gauche devrait afficher une fermeté sans faille sur les valeurs républicaines.
La ligne Faure, qui repose sur un fragile équilibre entre alliance tactique et différenciation idéologique avec LFI, semble de plus en plus difficile à tenir. D’autant que le clan Guedj voit dans cette posture un signe de faiblesse, voire un alignement implicite sur des logiques d’alliance avec LFI que de nombreux militants rejettent.
Jean-Luc Mélenchon contre-attaque
Le fondateur de LFI, quant à lui, ne s’est pas privé de relancer les hostilités. Sur son blog et sur X, il ironise, attaque et accuse Guedj de jouer une partition hypocrite, voire opportuniste. Il évoque leur passé commun au sein du “Parti de gauche”, pour mieux souligner ce qu’il considère comme une “trahison” de l’élu socialiste, aujourd’hui qualifié de “girouette politique de l’Essonne”. Derrière cette charge, Mélenchon dénonce une stratégie assumée de rupture avec la NUPES, destinée selon lui à “faire le lit du macronisme”.
La violence de la riposte mélenchoniste montre que le divorce est plus que consommé. Les socialistes qui espéraient un apaisement post-congrès se retrouvent désormais face à un dilemme : poursuivre une alliance devenue invivable ou assumer une rupture qui pourrait diviser encore davantage la gauche.
Une gauche paralysée face à l’extrême droite
Dans son discours de clôture, Olivier Faure a déploré que les débats internes aient été transformés en référendum pour ou contre Jean-Luc Mélenchon, soulignant une “domination psychologique” des insoumis sur le reste de la gauche. Une analyse partagée par nombre de cadres socialistes, qui craignent de voir leur parti coincé entre le marteau de LFI et l’enclume de Renaissance, sans vision propre ni espace politique stable.