Autrefois incontournable dans le paysage des télécommunications françaises, SFR semble aujourd’hui à la dérive.
Entre perte d’abonnés, recul financier et incertitudes stratégiques, l’opérateur vit une période trouble. Alors que les rumeurs de revente s’intensifient, les clients, eux, s’interrogent sur leur avenir au sein d’un navire en pleine tempête.
Une érosion progressive mais implacable
Autrefois symbole de la démocratisation de la téléphonie mobile, SFR enchaîne désormais les déconvenues. Sur le marché du mobile, l’opérateur a vu fondre sa base d’abonnés avec 109 000 départs entre juin et septembre 2024. Même si cette saignée est moindre que les 343 000 pertes du trimestre précédent, la tendance reste inquiétante. En parallèle, Bouygues Telecom, Free et Orange enregistrent tous des gains de clients, creusant davantage l’écart.
Le constat est similaire sur l’internet fixe : 53 000 abonnés ont déserté les box de SFR sur la même période. Certes, l’opérateur déploie encore sa fibre, avec plus de 5 millions d’abonnés au très haut débit, mais la progression reste modeste. Avec seulement 66 000 nouvelles connexions fibre, SFR est loin derrière ses concurrents : Orange (259 000) et Free (137 000) montrent une dynamique bien plus affirmée. Ce recul impacte non seulement l’image de marque, mais aussi la viabilité financière de l’entreprise.
Une santé financière préoccupante
Les chiffres du dernier trimestre confirment un climat économique tendu. Le chiffre d’affaires global de SFR a chuté de 4,7 % en un an, une baisse largement imputable au segment mobile, en recul de 4,4 %. Si le fixe affiche une légère croissance (2,5 %), cela ne suffit pas à redresser la barre.
Pire encore, l’EBITDA (résultat brut d’exploitation), indicateur central de rentabilité, enregistre une chute de près de 10 %. Et malgré des investissements massifs – 490 millions d’euros injectés dans le développement – le retour sur investissement n’est pas au rendez-vous. Le cash-flow libre stagne à 389 millions d’euros, bien en dessous des attentes des marchés financiers. En toile de fond, une dette abyssale alourdit le climat : le groupe Altice, maison mère de SFR, traîne un passif estimé à 24 milliards d’euros en février 2025.
La tentation de vendre pour éviter le naufrage
Face à cette situation explosive, la rumeur d’une revente de SFR par son propriétaire Patrick Drahi enfle. Selon une enquête du Figaro, le fondateur d’Altice envisagerait depuis longtemps une cession. Jugé trop coûteux, trop endetté et trop difficile à relancer, SFR serait devenu un fardeau pour le groupe. Les pertes d’abonnés, l’impopularité croissante et une image écornée rendent cette hypothèse de plus en plus crédible.
Mais une vente poserait de nombreuses questions. Que deviendront les 7 millions d’abonnés encore fidèles à l’opérateur ? Seront-ils migrés vers d’autres réseaux ? Auront-ils le choix de leur nouvel opérateur ? Pour l’heure, aucune réponse officielle ne filtre du côté d’Altice ou de SFR. Ce flou alimente les inquiétudes, d’autant plus que les perspectives de reprise restent variées.
Un avenir entre mainmise nationale et appétits étrangers
Plusieurs scénarios de rachat sont envisagés. Le plus réaliste selon les spécialistes serait une répartition des clients et des infrastructures entre les trois autres grands opérateurs français : Orange, Free et Bouygues Telecom. Ce dernier semble en position favorable grâce à un partenariat ancien noué avec SFR en 2014. Une telle solution permettrait une intégration progressive des abonnés, tout en préservant l’équilibre du marché.
Mais d’autres pistes, plus inattendues, émergent. Des groupes étrangers, notamment du Moyen-Orient comme STC, pourraient tenter de s’imposer. Un rachat total, plus simple à organiser, permettrait une gestion unifiée mais soulèverait des questions sensibles sur la souveraineté numérique française. À l’heure où les infrastructures télécoms sont devenues stratégiques, confier leur gestion à des acteurs internationaux pose de réels défis politiques et technologiques.