Il fut l’un des visages les plus emblématiques du rugby français. Sébastien Chabal, le colosse à la barbe mythique, vient de livrer un témoignage poignant sur les séquelles invisibles de sa carrière.
Aujourd’hui âgé de 47 ans, il affirme ne garder aucun souvenir de ses matchs, une conséquence probable des commotions cérébrales répétées.
Dans un entretien publié le 9 avril sur la chaîne YouTube Legend, Sébastien Chabal a surpris par la gravité de ses confidences. « Je n’ai aucun souvenir d’une seule seconde d’un match de rugby que j’ai joué », confie-t-il avec sobriété. Celui qui a honoré 62 sélections avec le XV de France, et qui a marqué le public par son style de jeu percutant, dit ne plus se rappeler les hymnes, ni même les moments forts de sa carrière internationale. Un constat glaçant, d’autant plus qu’il affirme également ne plus garder en mémoire la naissance de sa propre fille. Sans prononcer explicitement le mot « commotion », Chabal laisse entendre que les nombreux chocs encaissés sur le terrain sont à l’origine de ce trou noir persistant.
Un refus de diagnostic, un fatalisme assumé
Interrogé sur l’éventualité d’un suivi médical, Sébastien Chabal se montre résigné. « Pourquoi faire ? La mémoire ne reviendra pas », lâche-t-il, lucide mais fataliste. À ce jour, il n’a consulté aucun neurologue, considérant sans doute que le mal est fait. Ce déni médical, volontaire ou non, illustre une problématique encore taboue dans le milieu sportif : celle du traumatisme cérébral comme conséquence durable, voire irréversible, des sports de contact. Une problématique que d’autres anciens joueurs commencent à dénoncer de manière plus frontale, notamment à travers des actions en justice.
Des collectifs de joueurs en quête de reconnaissance
Sébastien Chabal reconnaît que de nombreux anciens rugbymen se regroupent aujourd’hui pour réclamer des comptes. « Il y a pas mal d’actions qui sont faites par d’anciens joueurs, des collectifs, parce qu’on a pris un peu des ‘pets au casque' », explique-t-il. En France comme à l’étranger, les témoignages se multiplient. Le rugby, sport d’engagement total, est aujourd’hui rattrapé par la réalité des dégâts neurologiques à long terme. Le Royaume-Uni est en première ligne de ce combat : des centaines d’ex-joueurs, comme Alix Popham ou Steve Thompson, ont engagé une procédure judiciaire collective contre World Rugby, ainsi que contre les fédérations anglaise et galloise. Diagnostiqués avec des formes précoces de démence, ils accusent ces instances de ne pas avoir suffisamment protégé leur santé.
Le rugby dans la tourmente des commotions
Le rugby, tout comme le football américain, le hockey sur glace ou les arts martiaux, est désormais scruté à la lumière des commotions cérébrales. Ces traumatismes crâniens, parfois provoqués par des impacts indirects, sont désormais identifiés comme facteurs aggravants de maladies neurodégénératives. Plusieurs études scientifiques établissent un lien entre les chocs répétés et l’apparition de troubles comme la perte de mémoire, les troubles cognitifs, voire la démence précoce. Le cas de Chabal, qui s’ajoute à d’autres récits poignants, renforce la nécessité d’un débat de fond sur la protection des joueurs, les protocoles de sécurité et la responsabilité des fédérations sportives.
Une fin de carrière prématurée pour certains, un signal d’alarme pour tous
En juin 2024, un autre joueur emblématique, Bernard Le Roux, a annoncé sa retraite à seulement 35 ans, après 18 mois d’éloignement forcé des terrains en raison de commotions. Le deuxième ligne, qui a porté le maillot bleu à 47 reprises, illustre une génération de joueurs contraints d’écourter leur carrière pour préserver ce qui leur reste de santé. Ces départs prématurés, conjugués aux révélations d’anciens joueurs comme Chabal, forcent désormais le rugby à affronter ses démons. Car derrière la noblesse du combat sportif, c’est la santé à long terme des athlètes qui est en jeu.