À 83 ans, Michel Fugain porte encore sur scène une énergie qui force le respect. Mais derrière les refrains entraînants et les sourires, se cache une vie émaillée de drames, de combats et de résilience.
Pour Paris Match, le chanteur s’est livré avec franchise sur les cicatrices invisibles d’une vie de saltimbanque. Michel Fugain n’a jamais renié ses origines. Il est né d’un acte de résistance, littéralement. Son père, militant communiste durant le régime de Vichy, fut emprisonné au Fort Barraux en Isère. C’est là, lors d’un droit de visite exceptionnel, que Michel a été conçu. « J’ai été élevé dans cette culture. On reste vigilant », explique-t-il avec fierté, précisant avoir choisi de vivre en Corse pour son esprit de résistance. Ces racines militantes ont forgé son regard sur le monde et influencé l’homme comme l’artiste.
Une ascension artistique loin des sentiers balisés
Dans les années 70, Fugain bouleverse la scène musicale française avec la création du « Big Bazar », un collectif musical festif et coloré. Pourtant, les débuts sont chaotiques, marqués par l’incertitude et le manque de ressources : « Je n’avais rien. Je vivais dans un moulin… et ça coûte des sous », se remémore-t-il. Redoutant de se retrouver à la rue avec ses enfants, il persévère. Ce n’est pas un plan de carrière mais la nécessité qui le pousse à continuer.
Des galas discrets aux feux de la rampe
Le destin finit par s’inviter sous la forme d’un certain Nicolas, qui lui propose de chanter lors de soirées privées. C’est ainsi que débute une période inattendue et florissante : les mariages juifs de Paris deviennent son nouveau terrain de jeu. « Tu en fais un, et ensuite on te recommande », raconte-t-il. Cette chaîne de bouche-à-oreille va redonner un souffle à sa carrière, loin du star-système, mais riche en humanité et en reconnaissance.
Une image dévalorisée, mais assumée
Malgré le succès retrouvé, Michel Fugain reste confronté au mépris de certains de ses pairs. Il évoque sans détour les critiques venant de chanteurs plus “installés” qui dénigraient ses prestations : « Ils disaient : ‘Il a fait ça ? C’est pas prestigieux' ». Mais l’artiste s’en amuse et revendique haut et fort son statut de saltimbanque. « J’ai jamais été aussi riche de ma vie », affirme-t-il, prouvant que la passion peut mener plus loin que la prétention.
La pique de Johnny et la blessure d’ego
Loin des projecteurs, Fugain a aussi connu le silence médiatique. Une période qu’un certain Johnny Hallyday va brutalement résumer d’une phrase : « Fugain, il est mort ». Une déclaration qui pique. Fugain réplique avec panache : « Je serai mort quand j’aurai plus d’oreilles ni de mains ». Une réplique qui sonne comme un credo pour ce battant, déterminé à ne jamais se laisser enterrer vivant par la critique.
Une douleur intime qui ne s’efface pas
Mais le plus grand coup porté à sa vie ne viendra pas des studios ou des critiques. C’est dans l’intimité que Michel Fugain va affronter l’épreuve la plus cruelle : la mort de sa fille Laurette, emportée par une leucémie à l’âge de 22 ans. Un drame insurmontable pour n’importe quel parent. Pourtant, il s’accroche à la scène comme à une bouée : « Ce métier m’a sauvé la vie », confie-t-il. Le célèbre adage « The show must go on » résonne désormais en lui comme une philosophie de survie.