La possible mise à l’écart de Marine Le Pen pour la présidentielle de 2027 bouleverse les équilibres internes du Rassemblement national.
Jordan Bardella, jusqu’ici bras droit fidèle, s’avance désormais comme un potentiel candidat. Une mue stratégique qui redéfinit les contours de la bataille électorale à venir.
Jordan Bardella a mis fin au flou : si Marine Le Pen est empêchée, il prendra le relais. « Je pense pouvoir vous dire que je serai son candidat », déclare-t-il dans Le Parisien, évoquant l’ »impérieuse nécessité de rester unis ». Ces mots, clairs et assumés, officialisent une option longtemps évoquée en coulisses mais jamais affirmée publiquement.
Cette sortie modifie en profondeur la communication du parti, qui jusqu’alors refusait d’évoquer un plan B. Jusque-là, le RN maintenait fermement que Marine Le Pen restait la candidate naturelle. Mais l’interview du président du mouvement change la donne : les lignes bougent, les stratégies s’adaptent. En interne, un élu résume la nouvelle posture : « On se prépare à toutes les hypothèses et tous les scénarios. »
Jordan Bardella, dauphin désigné mais encore en rodage
Le jeune président du RN, s’il devenait candidat, ferait son entrée dans la course suprême sans expérience présidentielle directe. « Il n’a jamais fait de campagne sur son nom », rappelle un proche de Marine Le Pen. L’enjeu est donc double : maintenir l’unité du parti tout en préparant méthodiquement son image de chef d’État potentiel.
Parmi les pistes évoquées : un parachutage à Hénin-Beaumont, le fief historique de Marine Le Pen. Une manière de symboliser la continuité tout en marquant un ancrage territorial fort. Pour Sébastien Chenu, porte-parole du parti, « tout est possible » et Jordan Bardella « aurait à cœur de mener la bataille législative si une dissolution survenait. » Des propos prudents, mais qui laissent entrevoir un plan de montée en puissance.
Un positionnement encore flou sur plusieurs dossiers
Jordan Bardella tente de se poser en homme d’État, évoquant une posture présidentielle au micro du Parisien. « Les qualités qu’on attend d’un Premier ministre ou d’un président sont similaires », explique-t-il. Compréhension des Français, capacité à rassembler, écoute : il se positionne comme une alternative sérieuse, préparée et volontaire.
Mais certains observateurs pointent encore des zones d’ombre dans son positionnement politique. Jean-Yves Camus, spécialiste de l’extrême droite, note auprès de France 24 qu’il reste vulnérable sur certains sujets sensibles, comme les retraites ou la Russie. Des lignes idéologiques encore mouvantes, qui pourraient le fragiliser dans un débat présidentiel de haute intensité.
Marine Le Pen entre défiance judiciaire et calcul politique
Condamnée en première instance, Marine Le Pen refuse toutefois de se retirer de la course. Sur TF1, elle tempérait : « J’espère que nous n’aurons pas à user de l’atout Bardella plus tôt qu’il n’est nécessaire. » Et elle rappelait que la présidentielle est une élection « intuitu personae », qui dépasse les logiques partisanes. Pour l’instant, le plan A reste officiellement en vigueur.
Il y a un mois encore, l’idée d’un plan B agaçait au sein du parti. Philippe Olivier, proche de Marine Le Pen, affirmait que Bardella avait encore le temps de se préparer, le tout dans une logique de binôme stratégique. Le climat semble pourtant avoir changé, à mesure que le risque judiciaire se précise pour la candidate historique.
Selon un sondage Elabe pour BFMTV et La Tribune Dimanche, Marine Le Pen comme Jordan Bardella dominent nettement les intentions de vote. Réalisée début avril, cette enquête place la députée du Pas-de-Calais entre 32 % et 36 % dans les six configurations testées. Jordan Bardella, quant à lui, atteint entre 31 % et 35,5 %. Un signal fort : l’électorat semble déjà prêt à faire le saut.