Lentement mais sûrement, François Ruffin s’impose comme une figure incontournable de la gauche française en vue de 2027.
Celui qui longtemps semblait hésiter à franchir le pas s’affirme désormais avec assurance. En rupture avec Mélenchon, il trace sa propre voie, portée par un discours de terrain et un ton de rassemblement. Le regard est désormais franc, le ton assuré. François Ruffin n’est plus ce trublion de gauche, entre journaliste militant et député inclassable, qui semait le doute sur ses ambitions. Ce jeudi, devant quelques journalistes, il a officiellement acté sa transformation : « Depuis 25 ans, je suis un agent d’influence de la gauche, j’ai gagné des batailles idéologiques. La donne a changé. »
Derrière cette déclaration, une stratégie se dessine clairement : l’émancipation. Émancipation de La France Insoumise, dont il fut un membre singulier, et surtout émancipation de l’ombre tutélaire de Jean-Luc Mélenchon. Un cap nouveau que symbolise la mutation de son micro-parti Picardie Debout! en un mouvement plus vaste, simplement baptisé Debout!, qui tiendra samedi son assemblée fondatrice.
Un passage à l’échelle nationale, taillé pour l’accompagner dans la primaire de la gauche qu’il appelle de ses vœux – une primaire sans Mélenchon, mais avec les écologistes, les socialistes, et peut-être bien d’autres encore.
Un appel au peuple et à l’unité
Ruffin ne veut plus ramer seul. Il le dit avec les mots de Roosevelt : « Le pays ne nous en voudra pas d’avoir échoué, il nous en voudra de ne pas avoir essayé. » Pour lui, le projet commun ne peut reposer que sur un large élan populaire. Il parle d’un million, deux millions, trois millions de citoyens à mobiliser. Un objectif ambitieux, mais qu’il présente comme vital, tant il est convaincu que les aventures en solo de Mélenchon ou Glucksmann conduiraient à une impasse.
Et pour fédérer, il oppose le sens de l’Histoire aux querelles de clocher. « En 1972, PS et PC s’opposaient sur la guerre froide… Ce ne sont pas les municipales de Paris qui doivent nous arrêter », martèle-t-il en référence aux divisions qui pourraient resurgir en 2026.
Il espère un premier acte de rassemblement lors de la réunion du 2 juillet convoquée par Lucie Castets. Une rencontre dont il attend un sursaut collectif, une volonté de dépassement.
Une méthode de terrain, une gauche populaire
Plus que des promesses, Ruffin avance une méthode. Elle repose sur l’écoute, le terrain, le concret. Pas de discours idéologique figé, pas de « catéchisme », insiste-t-il. Sur l’immigration, il nuance et structure son propos : « Travail, langue, papiers pour ceux qui vivent ici », mais rejet des filières voulues par le patronat qui, selon lui, « vident les pays du Sud de leurs forces vives ».
Sa stratégie est claire : incarner une gauche du réel, contre une droite déconnectée et un RN de plus en plus libéral. C’est là qu’il croit voir une brèche : « Le RN a abandonné la justice sociale. À nous d’investir cet espace. »
Le député de la Somme mise aussi sur son image. Ni ministre, ni candidat à la présidentielle, ni figure usée du paysage politique, il se voit comme un outsider crédible. « Je suis parmi les personnalités préférées de gauche alors que la moitié des Français ne me connaissent pas », glisse-t-il, voyant dans cette méconnaissance une chance, un espace de conquête.
Un adversaire déjà en ligne de mire
Si la primaire espérée se concrétise, il devra composer avec Clémentine Autain, également en rupture avec LFI. Une confrontation possible entre deux figures issues de la même matrice politique, mais aux sensibilités désormais divergentes.
Mais Ruffin avance avec des coups d’avance, fort de son ancrage local, de son aisance médiatique, et de sa stature d’élu « pas comme les autres ». Son passé de réalisateur de Merci Patron !, son image de député-citoyen, son ton accessible et sa critique du monde d’en haut en font une figure atypique, à la frontière entre l’activiste, le parlementaire et le communicant.
Le pari de François Ruffin est audacieux : fédérer la gauche sans tomber dans les logiques de partis. Se présenter comme un trait d’union entre classes populaires et militants écologistes, entre anciens socialistes et nouveaux engagés. Une ambition exigeante, mais peut-être à la hauteur du vide politique laissé par la lassitude des électeurs.