En annonçant publiquement qu’il ne recourra pas au 49.3 pour faire adopter le budget 2026, Sébastien Lecornu choisit une rupture politique marquante.
Le Premier ministre entend ainsi placer les débats parlementaires au centre du jeu, tout en renvoyant les oppositions à leurs responsabilités.Vendredi 3 octobre, depuis le perron de Matignon, Sébastien Lecornu a affirmé qu’il n’utiliserait pas l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter le budget 2026. Cet outil, qui permet à l’exécutif d’imposer un texte sans vote final sauf si une motion de censure est adoptée, a été massivement employé par ses prédécesseurs. Élisabeth Borne l’avait actionné 23 fois en un peu plus d’un an, Michel Barnier avait chuté après y avoir eu recours une seule fois, tandis que François Bayrou l’avait déclenché à deux reprises en février dernier.
Un geste adressé aux oppositions
En choisissant de se passer de ce mécanisme controversé, le Premier ministre affirme vouloir respecter « le moment le plus parlementaire de la Ve République ». Ce message vise avant tout le Parti socialiste, dont le soutien tacite pourrait s’avérer décisif face aux motions de censure annoncées par La France insoumise. Pour Olivier Faure, le renoncement de Lecornu marque « une vraie évolution de la pratique institutionnelle », même si le chef des socialistes juge la copie gouvernementale encore « très insuffisante, voire alarmante ».
Un calcul politique habile
Ce choix vise aussi à désamorcer toute tentative de renversement du gouvernement dès la semaine prochaine. En renonçant à l’arme jugée la plus autoritaire de la Constitution, Lecornu place la balle dans le camp des oppositions, qui devront assumer leur décision de voter – ou non – une motion de censure. Marine Le Pen a d’ailleurs reconnu une démarche « plus respectueuse de la démocratie ». Fabien Roussel, du PCF, a estimé qu’« il serait un peu raide » de censurer le gouvernement dès maintenant.
Des alternatives constitutionnelles
Sébastien Lecornu ne se prive cependant pas de tous les leviers parlementaires. Le constitutionnaliste Benjamin Morel rappelle que le gouvernement peut recourir à l’article 40, qui rend irrecevables les amendements alourdissant les dépenses publiques, ou à l’article 44.3, qui permet d’organiser un vote bloqué. Le spectre d’un usage plus subtil mais tout aussi contraignant de ces outils inquiète déjà certains élus, notamment du PS.
Une bataille budgétaire à haut risque
La discussion du projet de loi de finances 2026 se tiendra dans un calendrier serré de 70 jours. Si aucun budget n’est voté dans ce délai, l’exécutif pourrait, en dernier recours, utiliser l’article 47 de la Constitution pour l’adopter par ordonnance, une procédure jamais employée sous la Ve République. Une option jugée politiquement risquée, mais qui reste sur la table.
Vers une nouvelle méthode ?
En promettant une « nouvelle méthode de partage du pouvoir », le Premier ministre veut convaincre qu’il inaugure un cycle plus coopératif. Mais ce pari repose sur la capacité des forces politiques à débattre sans chercher immédiatement l’épreuve de force.