Pour la première fois dans l’histoire moderne, un pape porte la nationalité américaine. Une situation inédite qui soulève une question aussi inédite que délicate : Léon XIV, élu en mai 2025, devra-t-il rendre des comptes au fisc des États-Unis ?
Derrière cette interrogation se cache un imbroglio juridique et diplomatique aussi insolite que révélateur. Le régime fiscal des États-Unis est l’un des rares au monde à imposer ses citoyens, même lorsqu’ils résident à l’étranger. Depuis l’entrée en vigueur du FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act) en 2010, toute personne de nationalité américaine est censée déclarer ses revenus mondiaux et ses avoirs bancaires.
Et cela, sans exception automatique pour les chefs d’État étrangers. « Même le pape n’est pas théoriquement exempté », affirme Brandon Mitchener, directeur de l’association Tax Fairness for Americans Abroad. Une réalité qui a déjà causé des embarras notoires : Boris Johnson, alors détenteur de la double nationalité britannique et américaine, avait dû payer des impôts sur la vente de sa résidence londonienne avant de renoncer à son passeport US en 2015.
Un cas complexe… mais probablement symbolique
Dans le cas du pape Léon XIV, les choses sont loin d’être simples. Certes, le souverain pontife ne perçoit pas de salaire conventionnel, mais il bénéficie d’une prise en charge intégrale de ses frais de vie, de sa résidence à ses déplacements en passant par sa sécurité. En théorie, la valeur de ces avantages pourrait être considérée comme un revenu imposable.
À cela s’ajoutent d’éventuels revenus annexes, comme des droits d’auteur ou des publications. Pourtant, les spécialistes interrogés par la presse américaine jugent l’idée d’un impôt réellement exigible comme hautement improbable. « Son statut de chef d’État, son immunité diplomatique et l’absence probable de fortune personnelle en font un cas à part », note Brandon Mitchener.
Une absurdité bureaucratique pointée du doigt
Le cas du pape soulève un point de débat plus large : le caractère automatique et rigide du système fiscal américain, qui ne distingue pas toujours la nature des revenus ni les fonctions officielles de la vie privée. « Même sans impôt à payer, le pape pourrait devoir remplir des formulaires, compiler des justificatifs, ou même faire appel à des fiscalistes », ironise un expert.
Cette situation alimente les appels à réformer le FATCA, un texte jugé inadapté à certains profils. « Ce système fonctionne trop souvent en mode pilote automatique, sans discernement », déplore Mitchener, qui milite pour une fiscalité basée sur la résidence, et non la citoyenneté.
Le Vatican dans le viseur de l’IRS ?
Mais le scénario devient encore plus délicat lorsqu’on évoque la Banque du Vatican, placée sous l’autorité directe du pape. Selon une lecture stricte du FATCA, Léon XIV pourrait être tenu de déclarer l’ensemble des comptes bancaires du Saint-Siège, même s’il ne s’agit pas de biens personnels.
« Le flou entre patrimoine privé et actif institutionnel pourrait mener à une situation absurde, où le fisc américain exigerait des comptes au nom du pape, tout simplement parce qu’il est citoyen américain », explique Brandon Mitchener. Si l’immunité d’un chef d’État pourrait a priori le protéger, le traité FATCA, signé en 2015 par le Vatican, ne prévoit aucune exemption spécifique pour le Saint-Siège.
Une anomalie juridique révélatrice
Au final, même si le pape Léon XIV ne risque pas un contrôle fiscal personnel en bonne et due forme, l’ombre de l’IRS plane sur son pontificat d’une manière inédite. Le simple fait qu’un dirigeant spirituel et souverain étranger puisse, en théorie, être ciblé par une législation fiscale nationale pose une question de souveraineté… et d’équilibre entre les États.
Un paradoxe moderne où religion, diplomatie et finance s’entrechoquent, illustrant une fois de plus la nécessité d’adapter les lois aux réalités du XXIe siècle. Si le pape ne paiera sans doute jamais un centime à l’IRS, son cas pourrait bien, malgré lui, faire évoluer les règles du jeu fiscal international.