Dans un paysage médiatique souvent lisse, Patrick Sébastien détonne. Son franc-parler, nourri d’années d’expérience et de désillusions, éclaire d’un jour nouveau les dessous de sa mise à l’écart du service public.
Entre confidences brûlantes, affrontements médiatiques et soupçons d’ingérence politique, le rideau se lève sur une histoire bien plus complexe qu’elle n’y paraît. En 2016, Patrick Sébastien est l’invité de l’émission « On n’est pas couché », venu défendre son ouvrage Le vrai goût des tomates mûres. Le livre, aux accents autobiographiques, aborde notamment les violences subies durant son enfance, que l’animateur qualifie de « light ». Une formulation qui fait immédiatement bondir Yann Moix, chroniqueur en plateau et lui-même marqué par une histoire familiale douloureuse.
Très vite, l’échange dérape. Moix conteste la légitimité du terme “violence light”, affirmant qu’aucune maltraitance ne saurait être minimisée. Le ton monte. Face à l’attaque, Sébastien tente d’argumenter mais finit par lâcher : « Ce mec est malade ! ». La séquence, reprise massivement sur les réseaux sociaux, devient l’un des clashs les plus mémorables de l’émission. Elle révèle aussi une facette plus sombre de l’homme public : un passé complexe, une hypersensibilité à fleur de peau, et une difficulté à faire reconnaître sa propre douleur.
Une vie marquée par l’épreuve et la solitude
Depuis ce choc télévisuel, la trajectoire de Patrick Sébastien a radicalement changé. À 70 ans, il assume un rapport désabusé à la vie, forgé par l’adversité. Deux cancers successifs, une mise à l’écart de France Télévisions, une notoriété déclinante : autant de coups durs qui l’ont conduit à se réinventer loin des projecteurs.
L’homme se veut désormais libre, quitte à choquer. Il fume, ne fête plus ses anniversaires et confesse vivre dans un entre-deux, entre lucidité et résignation. « Ma vie est presque finie », dit-il sans détour. Une phrase lourde, révélatrice d’un état d’esprit en rupture avec les normes sociales et médiatiques. Il cite Frédéric Dard avec un sourire amer : « Je suis un vieux fœtus blasé… ». Derrière le masque du saltimbanque, c’est un homme meurtri qui se dévoile, en quête de paix et de sens.
Une accusation directe contre Nicolas Sarkozy
Mais c’est au micro d’Éric Dussart que Patrick Sébastien livre sa confession la plus explosive. Il y affirme que Nicolas Sarkozy, alors président de la République, aurait tenté de faire pression sur Patrick de Carolis, président de France Télévisions, pour le faire écarter de l’antenne. Motif invoqué : des sketches jugés trop moqueurs, notamment une parodie dans laquelle l’imitateur Montiel incarnait un Sarkozy en pleine crise sentimentale.
Selon Sébastien, l’ancien chef de l’État l’aurait directement insulté par téléphone, irrité par ce qu’il considérait comme une provocation. Ce règlement de comptes remonterait en réalité à un passé politique plus ancien, Sébastien ayant toujours affiché son soutien à Jacques Chirac – rival historique de Sarkozy. Derrière la satire, le ressentiment couvait depuis longtemps.
Malgré cette altercation, l’animateur précise que les relations entre les deux hommes se sont ensuite apaisées, non sans ironie. Il salue même le courage de Patrick de Carolis, qui aurait résisté aux injonctions élyséennes. Pour lui, cette affaire illustre à quel point le pouvoir politique peut tenter d’influencer le paysage audiovisuel public. Une tentative d’ingérence qui, selon lui, a laissé des traces durables dans sa carrière.
Entre humour et combat, un homme debout
Patrick Sébastien n’est pas homme à se taire. Son parcours, semé d’obstacles et de ruptures, l’a forgé dans un esprit de résistance. Il continue de défendre une certaine idée de la liberté d’expression, fût-elle populaire, dérangeante, irrévérencieuse. Ses sketches, ses coups de gueule et ses refus des convenances ne sont pas des accidents, mais des actes de foi.
Aujourd’hui, il vit loin des grandes chaînes et des primes de prestige. Mais sa parole, plus rare, n’en est que plus percutante. Lorsqu’il évoque les coulisses d’une éviction orchestrée ou les cicatrices d’une vie à contre-courant, il ne cherche pas à plaire. Il témoigne. Et ce témoignage, brut et sans fard, dit beaucoup sur les rapports ambigus entre pouvoir, médias et artistes en France.