La querelle entre Reconquête et le Rassemblement national illustre la profonde fracture qui persiste à droite, malgré les discours d’unité.
Ce 21 octobre, la publication par Sarah Knafo d’un « contre-budget » a déclenché une tempête politique, transformant une proposition économique en duel idéologique.
L’eurodéputée Sarah Knafo, figure montante de Reconquête, a présenté sur X un projet alternatif au budget du gouvernement, prévoyant « 80 milliards d’euros d’économies ». Ce plan, censé incarner la rigueur budgétaire, s’oppose frontalement à la politique de Sébastien Lecornu, dont le projet de loi prévoit une hausse des dépenses publiques de 29 milliards. Présenté comme un manifeste économique, ce document entend redonner de la cohérence à la droite libérale et souverainiste. Mais sa diffusion a aussitôt provoqué des tensions explosives avec le RN.
Le RN accuse Reconquête de plagiat
Jean-Philippe Tanguy, député du Rassemblement national, a vivement réagi en accusant Knafo d’avoir « copié l’intégralité des chiffres » du programme économique de Marine Le Pen et de Jordan Bardella. Selon lui, le texte reprend mot pour mot les travaux de la commission des finances du RN depuis trois ans. Une accusation de « pillage politique » qui a transformé ce débat budgétaire en règlement de comptes entre deux droites concurrentes. « Je m’attendais à être attaquée par la gauche, pas par le RN ! », a ironisé Knafo, déplorant que la rivalité idéologique prenne le pas sur la bataille contre le gouvernement.
Un duel idéologique sur l’impôt et la dépense publique
Face aux attaques, Sarah Knafo riposte point par point, accusant le RN de défendre une fiscalité qu’elle juge trop interventionniste : « Vous inventez ou augmentez onze taxes ! » L’élue de Reconquête reproche au parti lepéniste de « croire que certains ne paient pas assez d’impôts », tandis que son propre mouvement estime que « tout le monde en paie trop ». Elle fustige aussi le vote du RN en faveur d’un impôt visant les Français de l’étranger, que son camp rejette catégoriquement. Cette passe d’armes met au jour la fracture doctrinale entre une droite identitaire attachée à la redistribution et une droite libérale prônant le désengagement fiscal total.
Héritage, taxation et fonction publique : les lignes de fracture
Dans son argumentaire, Sarah Knafo souligne plusieurs divergences marquées : elle défend la suppression pure et simple des droits de succession, là où le RN ne l’a jamais proposée ; elle reproche également à Marine Le Pen de dénigrer la baisse du nombre de fonctionnaires, qu’elle considère pourtant essentielle. Sur le plan international, Reconquête souhaite supprimer entièrement l’aide au développement, tandis que le RN ne prévoit qu’une réduction de 2,34 milliards d’euros. Enfin, la question du RSA pour les étrangers cristallise l’opposition : le RN maintient l’aide pour les résidents de plus de cinq ans, quand Reconquête veut la supprimer intégralement.
Une rivalité qui ruine l’idée d’« union des droites »
Après plusieurs échanges acerbes, Sarah Knafo appelle à « éviter les chamailleries politiciennes », sans pour autant apaiser le débat. Jean-Philippe Tanguy lui a aussitôt répliqué en accusant Reconquête d’avoir refusé de soutenir la motion de censure du RN contre le gouvernement Barnier, qu’il qualifie d’« horreur fiscale et migratoire ». « Le reste n’est que posture », a-t-il tranché. Ce duel, à la fois personnel et idéologique, enterre une fois encore le rêve d’un rapprochement durable entre les deux formations, malgré leur électorat commun.