Trente-et-un ans après un crime resté sans réponse, le meurtre de Nadège Desnoix revient sous les projecteurs.
Ce lundi, à Laon, s’ouvre un procès attendu depuis des décennies, où justice et mémoire s’entremêlent pour tenter de lever le voile sur une affaire qui a bouleversé l’Aisne et marqué des générations. Le 24 mai 1994, le corps de Nadège Desnoix, 17 ans, est retrouvé partiellement dissimulé sous des feuillages près de son lycée à Château-Thierry. Autour d’elle, les enquêteurs découvrent un cartable noir, une ceinture, une montre, une cordelette et une rose fraîchement cueillie. L’autopsie révèle huit coups de couteau portés au cou et à la poitrine. Malgré plusieurs pistes – exhibitionnistes, racketteurs, un petit ami soupçonné, et même Michel Fourniret – aucune ne mène à un suspect solide. Pendant des années, l’affaire s’enlise.
Un ADN qui relance le dossier
Fin 2021, un rebondissement survient : des analyses génétiques sur le chouchou bleu marine de la victime désignent Pascal Lafolie, un homme de 58 ans connu de la justice pour des agressions sexuelles. Résidant à l’époque à une trentaine de kilomètres de Château-Thierry, il avait déjà été condamné à cinq ans de prison pour l’enlèvement et l’agression d’une adolescente, puis à douze ans de réclusion pour viol. Interpellé en novembre 2021 à Vezin-le-Coquet, il passe rapidement aux aveux, avant de se rétracter quelques mois plus tard.
Des aveux fragiles et un frère mis en cause
Lors de sa garde à vue, Lafolie avait confié : « Je ne pensais pas que ça finirait en meurtre pour une fellation. J’ai des regrets. » Mais en 2022, il change de version et accuse son frère Franck d’avoir tenté d’agresser Nadège, affirmant avoir perdu connaissance après avoir tenté de l’arrêter. Franck, décrit comme dangereux par son entourage et décédé en 2021, est finalement innocenté : son ADN ne correspond pas aux prélèvements et rien ne prouve sa présence ce jour-là.
Un accusé au passé lourd
Les enquêteurs dressent de Pascal Lafolie un portrait inquiétant : des ex-compagnes l’accusent de violences et de viols, et des contenus pédopornographiques ont été retrouvés sur son ordinateur. Ces éléments aggravent l’image d’un homme au comportement prédateur. Néanmoins, son avocate, Me Justine Devred, souligne qu’il reconnaît avoir été sur place mais nie le meurtre. Elle insiste : « Il attend ce moment où on va y voir plus clair… Or il faut bien que quelqu’un ait tué cette jeune femme. »
Trente ans d’attente pour une famille meurtrie
Pour la mère de Nadège, représentée par Me Arnaud Miel, ce procès est « un miracle » après trois décennies d’incertitude. La douleur des proches reste vive, mêlée d’espoir et de crainte face à l’issue du procès. Me Miel rappelle que le dossier repose sur des faits anciens, des souvenirs effacés et des preuves fragmentaires.
Une cour d’assises sous tension
Le procès, prévu sur quatre jours, devra déterminer si Pascal Lafolie est coupable du meurtre de Nadège Desnoix et décider de sa responsabilité pénale. En cas de doute, la loi impose que celui-ci bénéficie à l’accusé, comme le souligne son avocate. Mais au-delà du verdict, cette audience doit avant tout offrir à la famille de Nadège et à la communauté de Château-Thierry une forme de vérité judiciaire, attendue depuis plus de trente ans.