Au moment où le gouvernement envisage de revoir les règles encadrant les contrats responsables des complémentaires santé, une inquiétude grandit : celle de voir disparaître le remboursement de l’ostéopathie et des médecines douces.

Une perspective explosive alors que des millions de Français y ont recours, souvent faute d’alternative rapide ou efficace dans le parcours de soins classique. Le débat est relancé : l’exécutif pourrait suivre plusieurs rapports préconisant d’interdire la prise en charge de l’ostéopathie par les contrats responsables, qui représentent 98 % des offres souscrites. Un tel choix ferait grimper considérablement les dépenses des patients, d’autant que ces soins ne sont déjà pas remboursés par l’Assurance maladie.
Aujourd’hui, plus d’un Français sur deux a consulté un ostéopathe en cinq ans. Le port-parole du syndicat national, Philippe Sterlingot, redoute une “inflation d’actes médicaux” si l’on pousse les patients vers la voie classique : consultation chez le médecin, kinésithérapie, radios, IRM… des étapes plus coûteuses, et souvent moins rapides.
Une discipline réglementée, appréciée, mais fragilisée
Les défenseurs de la profession rappellent que l’ostéopathie repose sur une formation exigeante de 5 000 heures, supervisée par les agences régionales de santé. Plébiscitée par la population, elle séduit autant pour sa rapidité d’accès que pour sa capacité à soulager douleurs articulaires et troubles fonctionnels.
Le député Guillaume Lepers souligne que 82 % des Français sont opposés à un déremboursement, dénonçant un risque de renoncement aux soins pour les ménages modestes. Selon lui, priver les patients de remboursement reviendrait à encourager davantage d’arrêts de travail, une hausse des prescriptions médicamenteuses et, au final, un coût accru pour la Sécurité sociale.

Des élus de tous horizons politiques tirent la sonnette d’alarme
Plusieurs parlementaires alertent l’exécutif. La députée Sophie Pantel (PS) craint qu’“une part importante de patients renonce complètement aux soins”, tandis que Sandrine Josso (Modem) prévient d’une explosion des consultations médicales conventionnelles si l’ostéopathie disparaît des contrats responsables.
L’élue centristes estime la mesure contre-productive, rappelant qu’elle avait tenté – en vain – d’inscrire la prise en charge de l’ostéopathie dans la loi de financement de la Sécurité sociale 2026. Son amendement, jugé irrecevable, n’a jamais été examiné.
Une prise en charge pourtant déjà facultative
Actuellement, contrairement à une idée répandue, l’ostéopathie n’est pas une garantie obligatoire des contrats responsables. Ces derniers doivent rembourser le ticket modérateur, couvrir le panier 100 % santé ou encore prendre en charge la part complémentaire des consultations médicales — mais rien n’impose d’intégrer les médecines douces.
Si la grande majorité des mutuelles les remboursent, c’est parce qu’elles en ont fait le choix, séduites par la demande croissante. Ce volontariat pourrait disparaître, une interdiction rendant impossible tout remboursement dans l’offre de base.
Le poids des rapports officiels qui encouragent l’exclusion

Deux rapports ont ravivé la tempête.
Le premier, publié en juin 2025 par le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, recommande d’exclure l’ostéopathie des contrats responsables au motif qu’elle ne dispose pas “d’un niveau de preuve scientifique suffisant”, se fondant sur une revue de l’Inserm datant de 2012.
Le second, émanant du Sénat en 2024, propose de rendre optionnelle la couverture de ces pratiques pour freiner la hausse des tarifs des complémentaires. Les sénateurs soulignent que les dépenses liées aux médecines douces ont été multipliées par cinq en huit ans, atteignant 1 milliard d’euros.
Pour eux, sortir ces remboursements de l’offre de base pourrait réduire la pression financière pesant sur les mutuelles, et donc sur les cotisations.
Le paradoxe de l’État : ce qu’il interdit d’un côté, il l’impose de l’autre
Cette orientation créerait un casse-tête dans la fonction publique. Les nouveaux contrats collectifs négociés par certains ministères – notamment l’Éducation nationale – intègrent l’ostéopathie et même l’étiopathie dans leurs garanties obligatoires.
Séverine Salgado, directrice de la Fédération nationale de la Mutualité française, pointe une contradiction flagrante : d’un côté, l’État régulateur veut exclure ces soins ; de l’autre, l’État employeur les impose dans les cahiers des charges destinés à ses agents.
Cette incohérence est aussi dénoncée par le HCAAM, qui estime que l’État “contribue à la confusion entre science et croyance” en intégrant ces prestations dans les assurances des fonctionnaires. Pour l’instance, il s’agirait d’un “gaspillage total des ressources publiques”.










