À Bron, la boulangerie Panéo vit ses derniers jours de sérénité. Victimes collatérales d’un projet d’aménagement urbain, ses propriétaires, Ali et Abdelkader Harbaoui, redoutent de voir disparaître vingt ans d’efforts. Leur établissement se trouve au cœur d’un bras de fer avec la Métropole de Lyon et le Sytral, autour d’une question de… trois mètres.
Sur la route de Genas, la Maison Panéo est bien plus qu’un simple commerce : c’est le fruit de deux décennies de travail acharné. Installés depuis 2015 à la place d’une ancienne station-service, les frères Harbaoui ont fait de ce lieu un point de repère pour les habitants et les professionnels du quartier.
Mais depuis quelques mois, la sérénité a laissé place à la colère. En cause, un projet de ligne de bus à haut niveau de service (BHNS) porté par le Sytral et la Métropole de Lyon. Le plan initial, approuvé en 2019, prévoyait une emprise de 20 mètres sur la chaussée. Sauf qu’avec la mise en œuvre des nouvelles politiques écologistes, la largeur a été élargie à 23 mètres pour intégrer une “voie lyonnaise”, un axe cyclable destiné à favoriser la mobilité douce.
Pour les boulangers, ces trois mètres supplémentaires sont synonymes de catastrophe. « Ces trois mètres changent tout ! On va se faire exproprier », fulmine Ali Harbaoui. Le parking de la boulangerie serait amputé de moitié, rendant l’accès quasi impossible à la clientèle professionnelle, qui représente l’essentiel du chiffre d’affaires.
Une visite judiciaire vécue comme une humiliation
Lundi 6 octobre, la tension est montée d’un cran. Une juge des expropriations, accompagnée d’un huissier, s’est présentée sur place pour dresser l’inventaire du matériel. Une scène surréaliste, racontent les témoins, où le boulanger, désemparé, a assisté impuissant à ce qu’il considère comme le prélude à la fin de son activité.
« Le Sytral veut gagner du temps et nous a envoyés devant le juge, déplore Ali Harbaoui. On a construit cette boulangerie avec toutes nos économies, et aujourd’hui, on veut nous la prendre pour trois mètres de béton. »
Depuis, la colère s’est muée en angoisse. Les frères Harbaoui redoutent une fermeture d’ici la fin de l’année. Deux ans de travaux ont déjà affaibli leur commerce, et la perspective d’une expropriation les plonge dans une situation financière dramatique.
Des commerçants désespérés face à une administration inflexible
La clientèle aussi s’inquiète. Les artisans, chauffeurs et riverains qui fréquentaient la boulangerie peinent déjà à se garer. « On nous dit que les clients viendront en vélo ou en bus, mais on n’y croit pas une seconde ! », tranche Ali. Selon lui, la suppression du parking entraînerait une perte de 80 % du chiffre d’affaires, condamnant de fait l’entreprise et ses dix salariés.
Du côté du Sytral, le ton se veut apaisant. « Les procédures ne sont pas encore engagées officiellement, précise Vincent Monot, vice-président écologiste de la Métropole. Nous en sommes à la phase d’acquisition foncière et d’estimation des Domaines. L’enquête publique décidera de l’intérêt général du projet. »
Un discours qui peine à rassurer les commerçants. Pour eux, les dés semblent déjà jetés. « Ils ne veulent plus de commerces, seulement des pistes cyclables ! », s’emporte Ali Harbaoui.
“On est anéantis” : la détresse des frères Harbaoui
À la Maison Panéo, l’ambiance est désormais lourde. Les habitués viennent soutenir moralement les deux frères, mais la résignation gagne du terrain. « Le but est de nous flinguer. On veut tuer le commerce, on nous charme avec de belles paroles, mais c’est une injustice totale », lâche Ali, amer.