Pics, barreaux, grilles, rochers ou arrêtés municipaux… Derrière ces dispositifs dissuasifs se cache une politique invisible mais bien réelle : celle qui vise à éloigner les sans-abri des espaces publics.

Ce lundi 22 septembre 2025, la Fondation Abbé-Pierre a dénoncé, lors de sa deuxième cérémonie des Pics d’or, l’arsenal anti-SDF qui fleurit dans les villes françaises et au-delà. Depuis 2017, les citoyens sont invités à signaler ces équipements urbains hostiles via la plateforme soyonshumains.fr. Près de 450 photos ont déjà été collectées, preuve de l’ampleur du phénomène. Pour Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre, le constat est clair : « La société tente d’invisibiliser les plus pauvres en les éloignant des centres-villes. »
Les lauréats du « mobilier anti-SDF »
Dans la catégorie « Fallait oser », le prix a été décerné à un banc lyonnais transformé en supplice : des rails métalliques le traversent, empêchant toute assise prolongée. À Toulon, la vitrine d’une assurance affichant « Esprit de famille » a remporté le prix de l’hypocrisie, puisqu’elle est surmontée de pierres et de grilles anti-bivouac. Une contradiction flagrante entre discours et pratiques.

À Lille, la grille décorative baptisée « Arabesque » a remporté la palme du dispositif le plus fourbe : sous prétexte d’esthétique, elle empêche toute installation devant un immeuble. Quant aux arrêtés municipaux, Nice et Calais ont été distinguées ex aequo pour leurs mesures anti-mendicité, particulièrement actives lors des fêtes ou des saisons touristiques.
Quand l’exclusion se banalise
La catégorie « Le clou », récompensant le dispositif le plus agressif, a distingué les « Champignons de Paris » : une série de poteaux installés devant une agence Pôle emploi pour décourager toute présence. Christophe Robert s’inquiète : « Si l’on ne dénonce pas ce genre de mobilier urbain, il risque de se banaliser et d’être intégré aux cahiers des charges des architectes. »
Une dénonciation qui fait parfois reculer

L’an dernier, la médiatisation des Pics d’or avait déjà produit des effets : la mairie de Paris et la BNP avaient retiré les dispositifs dénoncés. La Fondation Abbé-Pierre espère que cette stratégie de name and shame continuera de porter ses fruits, surtout à l’approche des élections municipales, période où la gestion de l’espace public est particulièrement scrutée.
Quand la répression l’emporte sur l’humanité
La cérémonie a aussi mis en lumière des pratiques internationales, comme à Las Vegas, où une loi interdit aux SDF de dormir sur la voie publique, sous peine d’une amende de 1.000 dollars et de six mois de prison. Une mesure jugée aussi inhumaine qu’inefficace.










