Michel Drucker, monument du petit écran français, traverse les décennies avec la même élégance souriante.
Mais derrière cette façade consensuelle et bienveillante, se cachent parfois des rancunes tenaces. Dans son dernier livre, il évoque un épisode marquant : le refus répété d’Élise Lucet de s’asseoir sur son fameux canapé rouge. Depuis 1964, Michel Drucker incarne à lui seul la longévité télévisuelle. Il commence sa carrière comme journaliste sportif, une vocation de jeunesse qui le propulse rapidement dans les coulisses du paysage audiovisuel français. Ses premiers pas, il les fait à l’ORTF, avec l’émission Tilt, avant de devenir l’un des visages les plus emblématiques de TF1, puis de France 2.
Il enchaîne les programmes à succès comme Les Rendez-vous du Dimanche, Stars 90 ou encore Champs-Élysées. Mais c’est avec Vivement dimanche, lancé en 1998, que Michel Drucker devient une véritable institution. Un canapé rouge, une plante verte, un invité phare… et un style inimitable. Un mélange de bienveillance, de nostalgie, et de confidences maîtrisées qui a séduit des millions de Français.
Élise Lucet, l’irréductible de l’investigation
En face, Élise Lucet incarne une tout autre facette du journalisme télévisé. Réputée pour ses enquêtes musclées dans Cash Investigation ou Envoyé Spécial, elle bouscule les puissants, pose les questions qui dérangent et dérange ceux qui ne veulent pas répondre.
Sa carrière commence en Normandie, sur FR3 Caen, avant de prendre de l’envergure à France 2. Présentatrice de journaux télévisés, puis icône de l’investigation, Lucet s’impose comme l’une des dernières grandes figures du journalisme à la française, aux côtés de noms comme Edwy Plenel. Son engagement, sa rigueur et sa détermination la tiennent à distance des formats plus légers ou promotionnels. Ce qui, justement, explique peut-être un certain malaise.
Un refus répété et mal digéré
Dans son ouvrage Avec le temps, publié en 2025, Michel Drucker revient avec franchise sur ses relations avec ses confrères. Il évoque ses liens d’amitié avec des figures connues comme Jean-Pierre Foucault, Cyril Hanouna ou encore Thierry Ardisson. Mais une absence retient particulièrement son attention : celle d’Élise Lucet.
« Le seul regret que j’ai, c’est qu’elle n’a pas accepté d’être sur mon canapé de Vivement dimanche », écrit-il avec une pointe d’amertume. Malgré plusieurs invitations, la journaliste aurait toujours décliné, sans justification précise. Un affront symbolique pour Drucker, qui a toujours mis un point d’honneur à recevoir les personnalités marquantes du paysage médiatique.
Ce refus soulève des questions. Est-ce un choix éditorial de Lucet, refusant les formats plus consensuels ? Ou un simple problème d’agenda ? Drucker, de son côté, y voit davantage un désintérêt affiché pour son émission.
Deux visions du journalisme, deux éthiques télévisuelles
Ce léger conflit entre Michel Drucker et Élise Lucet illustre aussi deux conceptions très différentes de la télévision. L’un privilégie la connivence, la douceur et la fidélité au service du spectacle, tandis que l’autre défend une approche plus critique, plus rude, mais profondément engagée.
Le clash n’est pas frontal, mais il révèle en creux un malaise générationnel et éthique. À l’heure où la télévision cherche un nouveau souffle, les deux figures incarnent les extrêmes d’un média en mutation.
Drucker conclut ce passage de son livre avec une pointe de nostalgie. Car malgré sa longévité impressionnante, il sait que certains visages ne viendront jamais s’asseoir sur son fameux canapé rouge.