De championne précoce à dirigeante influente du cyclisme féminin, Marion Rousse incarne bien plus qu’une simple reconversion réussie.
Elle symbolise un combat pour la reconnaissance, l’égalité et la passion, dans un monde longtemps fermé aux femmes. Aujourd’hui à la tête du Tour de France Femmes, elle trace la voie à toute une génération de sportives déterminées à ne plus rester dans l’ombre. Chez Marion Rousse, le cyclisme n’est pas un hasard : c’est une histoire de famille. Née en 1991 à Saint-Saulve, elle grandit au milieu des roues, des maillots et des cols à gravir. Entre un père passionné et des cousins cyclistes professionnels, elle découvre très tôt le goût de l’effort et l’amour de la route. Sa mère, dans l’ombre, l’inscrit en cachette à ses premiers entraînements. Le reste, c’est une affaire de volonté.
Dès ses premiers coups de pédale, la jeune fille montre une détermination hors norme. En Belgique, elle se frotte à une concurrence plus rude qu’en France. Là, elle apprend à se faire une place dans des pelotons denses et exigeants. En 2012, elle décroche le titre de championne de France Élites, un sacre qui aurait dû la propulser… mais dans le cyclisme féminin d’alors, la victoire ne garantit ni notoriété, ni revenu.
Championne… mais sans salaire
Derrière les sourires et les podiums, Marion Rousse a longtemps vécu dans une grande précarité. Chez Futuroscope, elle roule sans aucune rémunération. Chez Lotto, elle touche à peine 300 euros par mois, malgré son statut de championne nationale. Elle cumule alors emploi à mi-temps à la mairie, convention avec l’équipe de France, et entraînements intensifs.
« Ce n’était pas un parcours doré, mais une passion à défendre coûte que coûte », résume-t-elle. Une réalité brutale qu’elle continue de dénoncer, espérant que les jeunes cyclistes d’aujourd’hui n’aient plus à faire de tels sacrifices.
Une reconversion éclair… et inspirante
Le tournant survient presque par hasard. En 2013, Guillaume Di Grazia l’invite à intervenir dans une émission sportive. Elle hésite — une femme dans un univers encore très masculin, ce n’est pas monnaie courante. Mais le public accroche immédiatement à son expertise et à sa justesse de ton.
Peu à peu, Marion Rousse devient une voix incontournable du cyclisme à la télévision. Après Eurosport, elle rejoint France Télévisions en 2017, commentant le Tour de France avec légitimité et passion. C’est une nouvelle forme de reconnaissance, enfin à la hauteur de son engagement de sportive.
À la tête du Tour de France Femmes : un défi de taille
C’est en 2022, alors enceinte, qu’elle reçoit un appel inattendu : Christian Prudhomme lui propose de diriger le Tour de France Femmes. Un défi immense, mais elle accepte sans hésiter, déterminée à bâtir une épreuve digne de ce nom. La première édition est un défi logistique, la deuxième une réussite. Cette année, le Tour s’élargit à neuf jours, de Vannes à Châtel, preuve que l’événement gagne du terrain et de la crédibilité.
Marion Rousse ne veut pas seulement organiser une course : elle veut construire un héritage. Pour elle, chaque kilomètre parcouru par les coureuses est une revanche sur des décennies d’injustice.
« Nous n’étions ni perçues ni traitées de manière égale », rappelle-t-elle, et c’est précisément cette mémoire qu’elle transforme aujourd’hui en moteur.*
Une voix forte pour le cyclisme féminin
Dans ses rôles de commentatrice, d’animatrice de La Vie à vélo sur France 3 ou de directrice de course, Marion Rousse continue de porter haut les couleurs du cyclisme féminin. Elle sait que la bataille n’est pas terminée, que les salaires, la médiatisation et les conditions restent inégalitaires. Mais elle fait partie de celles qui ont ouvert la brèche.
Et si elle a quitté la compétition, ce n’est pas par renoncement, mais par lucidité. « J’ai vu que c’était compliqué de tout faire en même temps. J’ai préféré me consacrer à ma mission médiatique, où je pouvais enfin vivre de ma passion. »
Une ambassadrice en action, et une mère engagée
Compagne du champion Julian Alaphilippe et maman comblée, Marion Rousse parvient à conjuguer vie privée et engagement public, sans jamais se départir de son exigence. Elle est devenue un modèle pour des générations entières de jeunes filles qui, en la voyant, comprennent qu’elles peuvent rêver plus grand.
Le cyclisme a trouvé en elle une voix crédible, une femme d’action, et surtout une battante qui n’a jamais accepté qu’on lui impose des limites. La petite reine a changé de visage, et Marion Rousse en est aujourd’hui la plus belle incarnation.